MONTÉLIMAR
Paroles | Georges Brassens | |
Musique | Georges Brassens | |
Interprète | Georges Brassens | |
Année | 1976 |
La seule chanson de Brassens qui traite directement d’un fait de société.
LE GÉNÉRAL AIMAIT LES ANIMAUX
(L'Histoire n°316 ; H.D. Yaqouti ; janvier 2007)
Réglementation du commerce des fourrures, des expériences scientifiques sur les mammifères... La chose paraît entendue : les animaux aussi ont des droits. L'idée n'allait pas de soi : on la doit au général Grammont, au milieu du XIXe siècle.
Doit-on considérer l'animal comme un objet inanimé, sans droit propre, ou comme un sujet doté d'une certaine responsabilité ? Au Moyen Age, les animaux avaient une place dans le droit criminel français. Ils étaient tenus responsables de leurs actes quand ils provoquaient la mort d'un humain ou la destruction de biens. Ils étaient alors jugés, condamnés et exécutés selon les procédures prévues par les lois et usages locaux.
Le concept de protection de l'animal n'apparaît et ne se concrétise qu'au XIXe siècle, suivant en cela le progrès des connaissances sur la biologie et l'évolution des espèces. Signe des temps, la société protectrice des animaux, créée en 1845, est reconnue d'utilité publique par le gouvernement français en 1860.
Mais, entre-temps, une loi importante a été promulguée concernant la protection des animaux, la première dans son genre : la loi Grammont, que le général du même nom a fait voter à l'Assemblée le 2 juillet 1850. Cette loi comporte un article unique : « Seront punis d'une amende de 5 à 15 francs, et pourront l'être d'un à cinq jours de prison, qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les animaux domestiques. » Et, effectivement, la peine de prison sera toujours appliquée en cas de récidive.
Remarquons deux limites à cette loi, votée en troisième lecture après des changements en profondeur. D'une part, elle ne porte que sur les mauvais traitements exercés « publiquement » : il s'agit de protéger les animaux domestiques sans pour autant « porter atteinte au droit de propriété, qui consiste à "user et abuser" », comme l'écrit le député Defontaine dans l'amendement qu'il présente pour rendre la loi plus acceptable, il n'est pas question d' « entrer dans le domicile de chacun et [de] voir ce qu'il y fait » .
Il faudra attendre 1959 pour que la protection des animaux domestiques s'élargisse au domaine public, dans l'esprit initial de la loi Grammont : le décret du 7 septembre 1959 s'attaque aux actes de cruauté envers les animaux, que ceux-ci aient lieu dans les espaces publics ou privés. Le juge peut même, en cas de mauvais traitements, retirer l'animal à son propriétaire pour le confier à une œuvre reconnue d'assistance et de protection des animaux.
Seconde limite de la loi Grammont : elle ne légifère que sur les animaux domestiques. Il faut attendre la conférence de Londres du 19 mai 1900 pour que se manifeste le souci de protéger la faune en général. La situation écologique n'est pourtant pas encore alarmante aux yeux des autorités, mais des abus sont relevés dans les colonies et déjà des voix s'élèvent pour mettre en garde contre le danger de la disparition de certaines espèces. La réunion de Londres porte d'ailleurs exclusivement sur la faune africaine. Sept pays européens possédant des colonies y participent : l'Angleterre, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France, l'Italie et le Portugal.
Puis c'est un philosophe français, André Géraud, qui inaugure, en 1939, la lutte qui ne s'appelle pas encore l'écologie et qui vise à définir les droits de tous les animaux à une vie naturelle et décente. Le style de sa Déclaration universelle des droits de l'animal, calquée sur la Déclaration des droits de l'homme, est très agressif.
André Géraud attaque tous azimuts les comportements humains qui entravent la vie sauvage et naturelle des animaux. Il se montre particulièrement sévère envers les parcs zoologiques et récuse leurs missions éducatives comme scientifiques : « Les ménageries constituent un degré supérieur d'incarcération animale. [...] C'est la détention cruelle, féroce, à toutes les températures... pour les besoins de la cause. »
La nouveauté de ce discours réside dans sa portée universelle : il ne concerne plus seulement les espèces en voie de disparition mais vise tous les animaux ; il appelle à une révision de nos principes fondés sur la hiérarchie des espèces et sur la position dominante de l'homme au sommet de celle-ci.
Cette aspiration à un statut juridique pour l'animal se reflète dans les années 1970 dans un texte à portée mondiale : la Déclaration universelle des droits de l'animal, adoptée à Londres en 1977 par la Ligue internationale des droits de l'animal et officiellement proclamée le 15 octobre 1978 au congrès de l'Unesco, à Paris.
Selon cette déclaration, « tout animal appartenant à une espèce sauvage a le droit de vivre dans son propre environnement naturel [...] et a le droit de se reproduire » (article 4-1) ; « nul animal ne doit être exploité pour le divertissement de l'homme » (article 10-1). Cette déclaration militante calque la forme de l'énoncé d'une loi pour donner plus de force à son message.
Peu à peu, les lois françaises reconnaissent certains droits aux animaux. Ainsi, la loi sur la protection de la nature de 1976, si elle ne remet pas en question la relation de propriété entre l'animal et son maître, qui fait de l'animal un objet au sens de la loi, affirme les obligations de son propriétaire : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. »
Pour ce qui est des zoos, un règlement d'août 1978 spécifie l'ensemble des procédures obligatoires auxquelles les établissements doivent se plier. Tout y est prévu, de l'affichage du règlement interne et public à l'entretien des animaux.
Et les législateurs français ont été particulièrement actifs, dans les dernières décennies, pour protéger les espèces animales. D'où la décision d'introduire à nouveau des ours dans les Pyrénées comme de favoriser la réapparition du loup dans les Alpes. L'animal, s'il est encore en danger dans notre monde, a acquis un statut juridique particulier : il n'est ni un objet ni une personne, mais ses droits sont respectés.