LES DEUX ONCLES

Paroles Georges Brassens
Musique Georges Brassens
Interprète Georges Brassens
Année 1964

Une de ces chansons de Brassens qui provoquent le malaise. L'auteur peut bien vouloir se situer dans la cadre de la réconciliation nationale ("on a requinqué, dans le ciel de Verdun, / Les étoiles ternies du maréchal Pétain") et de la construction de la CEE ("vos filles et vos fils vont, la main dans la main, / Faire l'amour ensemble et l'Europe de demain") encouragées par De Gaulle ; il peut bien aussi multiplier les inventions poétiques, par exemple en détournant des métaphores ("Elles ne font plus beaucoup d'ombre vos deux croix"), des proverbes ("Mieux vaut tourner sept fois sa crosse dans sa main") ou des comptines enfantines ("Des idées comme ça, qui viennent et qui font / Trois petits tours, trois petits morts, et puis s'en vont") ; tous ces efforts sont vains : mettre sur le même plan résistants et collaborateurs en ne disant rien des différences idéologiques qui les séparaient est tout simplement abject. Que Les deux oncles se trouve sur le même 33 tours que La tondue ne contribuera pas non plus à dissiper cette pénible impression que l'anarchie selon Brassens est ancrée bien à droite.

LES GRANDES RÉSISTANCES
(Le Libertaire ; Géo Cédille * ; 8 novembre 1946)

Quatre longues années durant, du micro de la BBC, un misérable laideron du nom de Robert Schumann déversa dans le cœur de ses compatriotes des ferments de haine féroce contre les oppresseurs nazis.

Quatre longues années durant, cette charogne abominable menaça de sanctions divines et humaines les Français qui suivraient le drapeau de Hitler, voire ceux qui ne tenteraient rien contre lui.

Quatre longues années durant, cet indécrottable pouilleux, dont la seule vue éloignerait les plus sordides porcs du monde, détermina par ses paroles un grand nombre de braves types à s'opposer à la brute fasciste et à se résoudre à périr.

Non pour l'idée de liberté, ce qui eût été magnifique, mais pour l'idée de patrie, pour que quelques crachats en mal de despotisme, quelques minables galonnés, dont le fameux échec du mois de juin 40 exacerbait la vanité, puissent venir cultiver leur gangrène dans l'épave du quai d'Orsay.

Quatre longues années durant, confortablement installée dans un fauteuil de l'émetteur de Londres, cette créature fétide, de connivence avec la mort, sema des tombes à tous vents et fut la cause que des malheureux rendirent l'âme en célébrant cette putain de Marseillaise.

Mères, pères, enfants, compagnes de ces pauvres garçons balayés par les balles, vous toutes et vous tous dont un être chéri repose à présent sous la terre, réveillez-vous, remuez-vous, allez trouver cette abominable canaille, allez lui demander des comptes pour ses manœuvres frauduleuses ; allez lui crier à la face qu'il n'est qu'un escroc dégoûtant.

Quatre longues années durant, il a fait des milliers de dupes ; il a persuadé des hommes généreux qu'ils se battaient pour quelque chose, alors qu'ils se battaient pour rien, puisque c'était pour la patrie ; puisque la liberté n'est pas née de leur mort ; puisque, deux ans après le départ des nazis, l'on peut encore mourir de faim et de froid.

Les héros de la Résistance ont lutté pour changer de maîtres et de chaînes, et non pour supprimer les maîtres et les chaînes.

Ils ont lutté pour que Schumann et ses complices puissent poser leurs sales fesses sur les bancs du palais Bourbon.

Ils ont lutté et ils sont morts.

Alors, afin de les « venger », le leader du M.R.P. a persisté, comme du temps de Londres, à vomir son venin sur les gens d'Allemagne, à leur imputer tous ses crimes.

Le comble de l'ignominie.

Capitaine Schumann, vous êtes un fumiste.

Par vos harangues captieuses, vous avez dupé vos semblables, vous les avez trompés sur les desseins réels que nourrissaient à leur égard les quelques charlatans de Londres.

Vous êtes un usurpateur.

Votre éloignement du champ de bataille vous interdisait l'initiative d'inciter le peuple de France à la révolte, de vous prétendre résistant.

Vous êtes un capitulard.

Au moment d'être bombardé sur le sol de la « doulce France » pour aider vos compatriotes, au moment de vous trouver en face de vos ennemis, vous avez reculé, vous avez cédé à la peur : soudainement devant le vide qui vous attendait, vous vous êtes souvenu d'une vieille blessure et vous avez préféré retourner in England.

Dans le langage militaire, cela s'appelle désertion en présence de l'ennemi, et relève du Conseil de guerre.

Si vous aviez servi dans l'armée allemande (hypothèse plausible certes, ne vous nommez-vous pas Schumann ?) et adopté dans un semblable cas l'attitude qui vous attire les avanies du colonel Passy, une ordure de votre espèce, tout laisse à supposer que vous eussiez été précipité hors de l'avion à grands coups de botte dans le derrière ou exécuté sur-le-champ. Alors votre charogne infecte, au lieu d'empuantir le monde, serait allée dans les campagnes remplir le rôle d'un engrais.

Reste à savoir si les agriculteurs auraient admis sans protester que la dépouille putréfaite de l'horrible et puant Schumann s'élevât au rang de fumier.

* Géo Cédille est un des pseudonymes que Brassens a utilisés pour signer ses articles dans Le Libertaire.

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