SUR LE FIL
Paroles | Francis Blanche | |
Musique | Charles Trenet et Jean Solar | |
Interprète | Charles Trenet | |
Année | 1942 |
Des variations imaginées par Francis Blanche sur le sujet indiqué par le titre pour un Fou chantant, qui donne lui aussi souvent l'impression d'être "Sur le fil" pendant la période de l'Occupation. La fragilité de la vie et de ses joies (l'amour, notamment, à qui tout un couplet est consacré dans une métaphore filée) est d'ailleurs le véritable sujet de la chanson, et nul ne s'étonnera qu'elle se termine par une interrogation où réapparaît un personnage cher à Trenet, présent entre autres dans Je chante et Mam'zelle Clio : "Sur le fil, dans mille ans peut-être, / Sur le fil, sans valet ni maître, / Mon fantôme dansera-t-il, / Transparent et subtil ?"
1940 : « ICI VICHY ! »
(L'Histoire n°356 ; Didier Sapaut ; septembre 2010)
C’est une concurrence acharnée que se livrent, à partir de l’été 1940, la radio de Vichy et Radio Paris. Sans compter la BBC...
Le 25 juin 1940, la radio française est muette. En application de l’article 14 de la convention d’armistice signée trois jours plus tôt avec le Reich, tous les postes français émetteurs de radio doivent cesser leurs émissions. Celles-ci ne reprendront progressivement qu’à compter du 5 juillet 1940.
Le 12 juillet, Pierre Laval, vice-président du Conseil, est chargé de l’Information et, à ce titre, détient la tutelle de la radio. Pour asseoir son pouvoir et s’engager dans ce qui va devenir une véritable guerre des ondes, Vichy dispose du cadre légué par la IIIe République finissante : l’administration de la Radiodiffusion nationale, mise en place par le décret du 23 juillet 1939, chargée à la fois de gérer les postes de l’État et de contrôler les stations privées, et le ministère de l’Information, créé le 1er avril 1940 pour tenter de mettre au point des outils de propagande efficaces.
Pierre Laval transforme ce département ministériel en un secrétariat général à l’Information, confié au député radical Jean Montigny, lui-même flanqué d’un député d’extrême droite, Jean-Louis Tixier-Vignancour, qui prend rapidement le contrôle du Radio Journal de France, le bulletin d’information de la Radiodiffusion nationale, lequel s’installe à Vichy début juillet. La première allocution radiodiffusée du Maréchal a lieu le 11 juillet 1940. Le même jour, Jean Guignebert, rédacteur en chef du Radio Journal, démissionne (1).
La radio de la drôle de guerre avait été d’une piètre efficacité face à la propagande allemande. La radio de Vichy allait se heurter à trois obstacles. Une désorganisation totale : les agents de la radio d’État errent pendant plusieurs mois entre Lyon, Toulouse, Marseille et Montpellier avant de se regrouper dans deux villes, Vichy, avec le Radio Journal et la direction, Marseille, où se replient les services artistiques. Ensuite, un réseau d’émetteurs fortement réduit : la Radiodiffusion nationale ne peut émettre que sur la zone sud, ainsi qu’à Paris. Les autres émetteurs ont été confisqués par les Allemands.
Surtout, les programmes sombrent vite dans le conventionnel, adoptant le solennel et emphatique ton « Révolution nationale ». Au moment où l’Allemagne, puis l’Angleterre utilisent la radio comme un instrument de propagande sophistiqué, Tixier-Vignancour crée tous les soirs le rendez-vous des ministères : le jeudi c’est l’Agriculture, le vendredi la Marine, le samedi l’Instruction publique. Les ministres et le Maréchal interviennent fréquemment sur les ondes. Dans le même temps, les programmes artistiques animés à Marseille par Jean Antoine s’efforcent de refléter les valeurs de la Révolution nationale, notamment avec Jean Nohain, qui anime « Bonjour la France » - mais il quitte la radio en 1941. Pas étonnant que les Français se tournent vers d’autres stations pour capter des informations sur la conduite de la guerre.
A partir de l’automne 1940, le gouvernement de Vichy et les autorités d’occupation prennent conscience que l’écoute de la BBC est très répandue. Rendue illégale dès le 28 octobre 1941 par la loi qui interdit l’écoute des postes étrangers « à propagande antinationale », elle est pourtant facilitée par une raison technique : les Allemands ont exigé l’arrêt des émissions de radio à 20 h 30 en été puis 18 h 15 en hiver pour éviter les repérages de l’aviation anglaise. Les émissions en français de la radio anglaise sont, elles, diffusées de 20 h 15 à 21 heures... Les Français se tournent également vers d’autres stations voisines, comme la Suisse Radio sottens, appréciée pour sa vue objective de la situation, ou Radio Andorre, qui distrait les auditeurs du Sud-Ouest. La Radiodiffusion nationale doit cependant affronter un concurrent encore plus puissant : Radio Paris, création allemande.
Dès le 27 juillet 1940, l’équipe des émissions en français de Radio Stuttgart, dirigée par le Dr Bofinger, s’installe au siège du Poste parisien, 116, avenue des Champs-Élysées, pour diffuser un programme entièrement contrôlé par la propagande allemande (2). Radio Paris utilise l’ensemble du réseau d’émetteurs de la zone occupée : celui en ondes moyennes de Paris, Bordeaux, Rennes, Normandie et Calais, associé à l’émetteur à grande puissance en ondes longues d’Allouis, inauguré à la veille de la guerre. Cette suprématie se retrouve dans les programmes : une équipe offensive de journalistes très engagée dans la collaboration, dont Jean Azéma, un chroniqueur percutant en la personne de Jean-Hérold Paquis et surtout des émissions artistiques populaires et diversifiées - orchestres de variétés, théâtre, sketchs...
Pour tenter de remédier à cette situation, le gouvernement de Vichy va progressivement modifier sa politique radiophonique. Tout d’abord en musclant l’organe d’État : une loi du 1er octobre 1941 réorganise l’Administration de la radio, les postes privés subsistants (Radio Agen, Radio Nîmes, Radio Lyon, Radio Méditerranée) sont contraints de retransmettre le Radio Journal de France et les communiqués du gouvernement et de fournir un certain nombre d’émissions par mois à ce qui constitue désormais un réseau unique. Le deuxième axe de la politique radiophonique se met en place avec le retour de Pierre Laval au pouvoir en avril 1942 : c’est celui de la coopération entre la Radio nationale et Radio Paris. L’éditorial hebdomadaire de Philippe Henriot, diffusé d’abord, en 1942, sur les ondes de la radio d’État, est repris par Radio Paris. Il devient quotidien puis biquotidien à compter de février 1943, pour culminer à quatre éditions par jour en 1944.
Radio Paris retransmet également deux fois par jour le Radio Journal de l’État français. C’est qu’entre-temps la guerre des radios est devenue ouverte. Radio Paris rend coup pour coup dans d’étranges dialogues où Philippe Henriot et Jean-Hérold Paquis répondent à Maurice Schumann et Pierre Dac, quelquefois à quelques heures d’intervalle. La création de Radio France à Alger au printemps 1943, sans négliger l’impact de Radio Moscou, fait de la France de Vichy un pays cerné sur le plan radiophonique.
(2) Outre la création de Radio Paris, l’activisme radiophonique des Allemands en France se manifestait par le lancement d’une station de télévision à Paris et de Radio Monte Carlo pour arroser le littoral méditerranéen.