RENDEZ-VOUS SUR LA TOUR EIFFEL
Paroles | Charles Trenet | |
Musique | Charles Trenet | |
Interprète | Charles Trenet | |
Année | 1949 (inédit 2002) |
Un inédit issu d'archives brésiliennes et qui témoigne que Trenet alimentait le mythe de Paris lors de ses pérégrinations Autour du monde.
UNE CURIOSITÉ EXOTIQUE
(Intégrale Trenet : introduction du volume 6 ; Daniel Nevers ; 2002 ; Editions Frémeaux et Associés)
De son côté, c'est-à-dire de l'autre côté, Charles Trénet ne chômait pas et, à défaut d'enregistrements "officiels", Petit Poucet rêveur, égrenait dans sa course des rimes, certes, mais aussi, merveille, quelques-unes de ces laques déposées sur une âme de métal - ce que l'on appelle, assez improprement d'ailleurs, des "acétates" - ainsi que certaines de ces bizarres bandes, longs serpentins réputés "magnétiques" parce que garnis d'un oxyde instable ayant la propriété de fixer comme par miracle les musiques et les voix. Autant de précieux petits cailloux, probablement semés à dessein, sur les grands chemins où l'on marche à l'aventure, à coup sûr pour que les préposés ailés des Postes & Télégraphes ne perdent jamais complètement la trace de leur créateur...
Première pierre de cette route enchantée, le document déniché par Jean-Yves Patte, non point comme l'on devait s'y attendre sur une brocante brésilienne, mais sur des puces bien françaises : un acétate de travail, apparemment fabriqué par les soins de la RCA (Camden - New Jersey - U.S.A.), mais gravé à l'autre bout du continent, à Sao Paulo, Brésil. Cela, c'est Charles en personne qui l'annonce au début de l'une des faces, signalant en passant que son accompagnateur est Pierre Spiers. Au début des années lointaines, en 1945-46, le premier accompagnateur avait été Léo Chauliac, déjà titulaire du poste pendant la plus grande partie de l'Occupation. Mais Léo éprouva vite l'envie de souffler un brin. Nouvel accompagnateur en titre depuis 46 et La Mer Albert Lasry, de son côté, tout juste rentré d'un exil de plusieurs années en Espagne au cours duquel il avait tenu le piano chez Bernard Hilda, ne tenait évidemment pas trop à repartir. Ce fut donc Spiers qui hérita de la place dès 1947-48. Pierre Spiers, l'on s'en souvient surtout comme d'un spécialiste de la harpe qui, sur cet instrument, enregistra des piles de microsillons de musique douce dans les années 50-60. C'est toutefois en qualité de pianiste qu'il avait intégré en 1942 la grande formation de Raymond Legrand. C'est là, dans cet orchestre fort apprécié en ces jours sombres (voir le recueil consacré à Irène de Trébert : Frémeaux FA 056), que "La Princesse" Raymonde Riou, épouse d'un authentique Prince vietnamien, la dame que l'on demandait toujours dès qu'il fallait une harpe quelque part, lui enseigna les rudiments de cet instrument fascinant et difficile... Il est probable que Trenet ne lui demanda pas très souvent de jouer de la harpe ! Ici, en tout cas, c'est bien d'un piano qu'il s'agit... De quoi s'agit-il, du reste ? D'une chanson nouvelle probablement, intitulée Rendez-vous sur la Tour Eiffel, que Charles répète en un lieu indéterminé de Sao Paulo où, semble-t-il, on le dérange suffisamment pour qu'il finisse, au bout de quelques mesures d'un premier essai, par s'écrier agacé : "Ah ! J'peux pas travailler comme ça, moi !..." Une porte claque, un léger brouhaha s'ensuit, la laque tourne toujours... Deuxième essai, plus calme, mais inachevé, parce qu'il ne restait plus de place sur le disque. C'est le troisième essai qui fut le bon (CD 1, plage 21) ; c'est aussi celui qui comporte l'annonce du début. Malheureusement le chanteur ne va pas jusqu'à préciser quel jour fut gravé ce document. On sait néanmoins qu'il se trouvait au Brésil en octobre et novembre 1949 et qu'il composa Printemps à Rio au cours de ce séjour. Peut-être écrivit-il également à ce moment-là Rendez-vous sur la Tour Eiffel ? Cette chanson ne figure pas au catalogue de ses œuvres et il n'est même pas certain qu'il la déposa jamais à la Société des Auteurs. Il ne l'enregistra pas non plus commercialement et ne jugea apparemment pas opportun de l'inclure dans ses tours de chant. Il faut certes bien admettre que cette aria ne compte certainement pas parmi ses meilleures et ressortit davantage de ces chansons, mentionnées plus haut, d'une saison ou d'un jour, qu'il se hâta d'oublier... Ce n'était évidemment pas une raison pour omettre cette étonnante rareté de la présente intégrale.