NARBONNE, MON AMIE
Paroles | Charles Trenet | |
Musique | Charles Trenet | |
Interprète | Charles Trenet | |
Année | 1961 |
Une déambulation-méditation nocturne dans les rues de Narbonne, la ville de la mère et de l'enfance, où Trenet songe avec nostalgie à la "Douceur des premiers jours" et qui se termine par une visite au "cimetière / Où dort tante Emilie".
NARBONNE : "DOUCEUR DES PREMIERS JOURS"
(Monsieur Trenet ; Richard Cannavo ; 1993 ; Editions Lieu Commun)
De la guerre, si loin à l'arrière, ne parviennent jamais que de sourdes rumeurs. Pourtant, dans ce Narbonne assoupi sous le soleil, dans cette ville prospère et admirablement préservée, la guerre malgré tout reste présente : les blessés, les convalescents emplissent les hôpitaux, on les croise à toute heure du jour dans les ruelles du centre ville, et aux revers, de plus en plus, fleurissent les crêpes de deuil. Mais surtout, il y a le fracas des trains qui passent et repassent sans relâche sur la voie ferrée devant la maison, convois de troupes, de matériel, de ravitaillement ou sanitaires, ces trains interminables qui s'essoufflent dans le fracas du métal froissé quand au loin, plus à l'est, explose la mitraille.
Car le conflit qui devait être éclair va s'enliser dans les tranchées, là-haut, sur un front large de plusieurs kilomètres barrant le pays d'une balafre de mort. Une guerre interminable, une atroce boucherie avec au bout du compte neuf millions de morts et des hordes de grands blessés. Le monde horrifié découvre la guerre moderne, cette « drôle de guerre » à la puanteur de charnier. Du sang et de la boue sous la mitraille, la vermine et les rats, du sublime et de l'horreur dans un temps brusquement immobile. Quatre ans ! L'enfer durera quatre ans...
Dans la maison de Narbonne, derrière les volets clos sur la laideur du monde, les mois, les années s'écoulent doucement. Antoine et Charles vivent là dans un univers de femmes, entourés de maman Trenet, de leurs deux grands-mères et de tante Emilie, une vague parente venue habiter chez les Trenet après une succession de deuils, et qui aussitôt se prendra d'affection pour le petit Charles. Le soir, dans son lit, écoutant le halètement furieux des locomotives qui s'éloignent dans la nuit, l'enfant, parfois, songe à son père absent, son père emporté dans la tourmente et qu'il imagine volontiers en compagnie de l'illustre général Joffre, ami du grand-père Auguste « et comme lui élevé dans les tonneaux, les douelles et les copeaux ».
Patriote, la grand-père Auguste lui enseigne « La Marseillaise », qu'il interprète juché sur une chaise lorsqu'un soldat en permission est de passage !
L'été, pour les vacances, la famille Trenet au grand complet se rend à La Nouvelle, à une trentaine de kilomètres de Narbonne. La Nouvelle, c'est un petit port tranquille de l'Aude, en bordure du Roussillon, pittoresque avec ses maisons basses aux toits de tuile rousse, ses barques de pêcheurs et ses cabines de bain ternies par le soleil et l'air marin. Là, sur la plage de sable fin balayée par les vents extrêmement violents en cette région, le petit Charles, des heures durant, regarde danser la mer infinie aux reflets d'argent. La météo à La Nouvelle est capricieuse, le climat y est rude qui peut faire alterner en quelques heures tempête et canicule, et l'enfant trop rêveur aime cette mer sauvage qui hurle sa puissance. C'est ici qu'il va découvrir la mer, ici qu'il va apprendre à la regarder et à l'aimer : « La mer a bercé mon cœur, pour la vie... » La Nouvelle, tout comme Narbonne, c'est aussi le décor de son enfance, le tremplin de sa vie.