MARIE MARIE
Paroles | Charles Trenet | |
Musique | Léo Chauliac | |
Interprète | Charles Trenet | |
Année | 1947 |
Après Tombé du ciel et Retour à Paris, l'angélisme de Trenet fait encore une fois merveille dans cette évocation de "la douceur / Des premiers aveux", et ce malgré le concert des violons et le risque d'attirer les quolibets en prénommant Marie la "petite amie" de ces "amours d'antan", un risque d'autant plus grand quand la mère du chanteur s'appelle Marie-Louise.
LES MILLE VISAGES DE LA VIERGE MARIE
(L'Histoire n°282 ; Sylvie Barnay ; décembre 2003)
Les hommes ont vu en elle, tour à tour, la Mère de Dieu, la Reine des cieux, la Bienheureuse, la Douloureuse... Autant de visages qui témoignent d'une croyance qui a traversé les siècles.
Elle a pour nom « la Mère de Dieu ». Les siècles la saluent comme « la Reine des cieux ». Les Évangiles l'appellent « Marie ». « Notre-Dame » au Moyen Age, elle devient « Madone » aux temps modernes, « Immaculée » à l'époque contemporaine. La Reine du ciel traverse le temps sous les regards divers qui lui donnent un visage d'éternité, pour la contempler. Une traversée qui raconte comment la femme de l'histoire est devenue la Vierge Marie de la croyance.
Les premières sources qui mentionnent Marie (Myriam, en hébreu) sont les récits écrits entre 70 et 100 par les évangélistes Marc, Matthieu, Luc et Jean. Myriam est une jeune fille juive parmi d'autres jeunes filles. Elle habite la Galilée du Ier siècle. Un matin de vision, selon Luc, l'ange est entré dans sa vie pour lui annoncer que, vierge, elle enfanterait un fils du nom de Jésus - c'est l'Annonciation.
La Vierge enfante ; c'est un paradoxe pour traduire le mystère du Dieu qui se fait homme - autre paradoxe. Avec l'Incarnation débute l'histoire du christianisme, dont Marie se trouve à l'origine. Les évangélistes voient en effet en elle celle qui a donné naissance au Jésus de l'histoire, reconnu comme « Christ » mot grec qui traduit le terme hébreu « Messie » par les premiers chrétiens.
Devenir l'élue du peuple élu en donnant naissance au Messie attendu est le rêve de toutes les filles d'Israël. La figure du Messie se trouve en effet au cœur de la religion juive. Prophètes et oracles ne cessent d'annoncer la venue d'un fils issu de la lignée du roi David, porteur de salut et de paix. Cette espérance s'est réactivée au sein des mouvements messianiques protestataires qui infiltrent la société juive depuis que la Palestine est entrée sous occupation romaine, en 63 av. J.-C. C'est Marie qui est désignée par l'ange pour la porter.
Toute la suite de l'histoire de Marie se construit à partir de la lecture infinie du récit évangélique, qui voit en elle la Vierge Mère, mystère central du christianisme : c'est autour de ce mystère principal que s'élabore au fil des siècles le regard porté sur Marie, qu'il soit celui des poètes, des artistes ou des théologiens. « Épouse inépousée » , « touchée intouchée » continuent ainsi de traduire et retraduire d'un souffle poétique hymnes et homélies.
A la suite des Évangiles, les évangiles « apocryphes » (1), à partir du IIe siècle, confèrent à Marie un visage élargi. Ces écrits relisent l'Écriture. Ils donnent à la Vierge la naissance, la vie, puis la mort que Marc, Matthieu, Luc ou Jean n'ont pas décrites.
Anne la stérile, la mère de Marie, a rencontré Joachim, son père. Les anges ont nourri l'enfant à son berceau. Petite fille de trois ans, Marie a dansé sur les marches du Temple. Puis elle a donné naissance à l'enfant Jésus dans une grotte. A sa mort, les apôtres ont entouré son lit, tandis que douze nuées emportaient vers les cieux l'âme et le corps de celle qui, dans les textes, n'est déjà plus l'anonyme Marie de Nazareth, mais la Mère de Dieu. Avec les évangiles apocryphes, l'histoire du culte marial proprement dit commence.
C'est à Éphèse, en 431, que les évêques réunis en concile professent leur adhésion à la définition de Marie comme Mère de Dieu - en grec theotokos , littéralement « accoucheuse de Dieu ». « Dieu a-t-il une mère ? » questionnent les Pères de l'Église tout au long des controverses.
Le siècle qui a précédé le concile a vu en effet surgir le conflit des croyances entre chrétiens et païens autour de la conception virginale de Jésus. Il a fallu démarquer le Fils de Dieu des hommes divinisés ou des demi-dieux nés des amours d'un dieu et d'une mortelle. Les hérésies sont nombreuses, notamment celle d'Arius ou de Nestorius, qui cherchent à nier la double nature du Christ, à la fois humaine et divine, pour en faire soit un Dieu sans corps, soit un corps sans Dieu - un fantôme ou un surhomme.
En 431, donc, le concile a tranché : Jésus est à la fois homme et Dieu, et il a une mère. Cette affirmation a la force de la Révélation - c'est un dogme. Celui-ci contribue à favoriser vers la seconde moitié du Ve siècle la naissance d'un culte universel à la Vierge. Il s'appuie sur les modes traditionnels de diffusion du culte voué, auparavant, à l'empereur d'Orient : fêtes, hymnes, monnaies, images contribuent à diffuser la figure de Marie.
Au VIe-VIIe siècle, la vénération de son visage se répand dans l'empire d'Orient et, très progressivement, en Occident. Ses sanctuaires accueillent des foules venues implorer secours et recours. La croyance en ses miracles et ses apparitions témoigne qu'elle est proclamée sainte, elle, la bénie d'entre les femmes qui embrasse des lèvres « celui dont le brasier fait reculer les anges de feu ». Sur les icônes, l'enfant la touche de sa divinité, elle le touche de son humanité.
Marie trône à Byzance ; elle occupe une place de plus en plus importante dans la liturgie, les dévotions et l'iconographie de l'Église orthodoxe. Entre 600 et 700, les fêtes de la Vierge gagnent l'ensemble encore peu christianisé du monde latin. A partir de 751, les Carolingiens mettent ses images au service de l'idéologie de la souveraineté, définie comme une royauté sacrée.
La relecture sans cesse continuée des Évangiles conduit à l'élaboration de nouveaux visages de Marie. Peu à peu s'approfondit la comparaison entre la Vierge et l'Église. Ce parallélisme prend sa source dans la confrontation des « maternités » de chacune : Marie est la Mère du Christ, l'Église est la mère des chrétiens. Là se trouve l'origine du progrès doctrinal qui conduit à affirmer la maternité spirituelle de la Vierge : Marie est la mère des chrétiens. Elle peut désormais pencher son visage de mère sur l'humanité.
C'est bien ainsi que la voient les hommes. Marie, plus proche qu'un Dieu lointain, devient le pont entre l'univers humain et l'univers divin. Aussi, au seuil de l'An Mil, la chrétienté dans son ensemble se tourne peu à peu vers la Souveraine. Alors que les structures politiques se modifient profondément en Occident et se consolident en Orient, la Mère de Dieu est sur le point de s'imposer comme une figure majeure de pouvoir, à l'est et à l'ouest de la Méditerranée.
En Occident, les hommes du début du XIe siècle découvrent Marie sur son trône de bois sculpté. Les statues de Vierge en majesté assurent à leurs yeux la vacance d'une royauté dont l'exercice se dilue dans celui de la féodalité. Les nouvelles structures de commandement - parmi elles, l'ordre monastique de Cluny - sollicitent son image de pouvoir pour asseoir leur souveraineté. On voit alors dans les récits monastiques la Dame des dames chargée de chasser tout désordre causé par les laïcs, désireux de s'approprier, par exemple, les terres clunisiennes. Forte de son inviolabilité, elle règne sans partage sur les monastères, présentés comme des terres « vierges », délestées du péché et peuplées d'hommes spirituels, les moines, qui se rêvent semblables aux anges pour conduire les autres - les hommes charnels - vers le salut.
La Toute Pure est désormais en mesure d'imposer son autorité d'Église aux pouvoirs laïcs que, au XIe siècle, la réforme grégorienne s'est donné en partie pour mission de soumettre (2). L'enfant Jésus sur ses genoux, elle présente un Dieu bien incarné aux hommes qui continuent d'interroger le sens du mystère chrétien. Pour venir vénérer l'enfant Jésus, le peuple chrétien se met en marche comme les Rois mages vers les sanctuaires marials.
Les pèlerinages à la Vierge connaissent en effet dans les années 1100 le début de leur développement. Ils se localisent essentiellement dans le centre et le nord de l'Europe. A Laon, à Soissons, à Chartres, les pèlerins sont des milliers à vouloir venir toucher les reliques de Marie : qui sa blanche chemise, qui son fin soulier, son lait ou ses cheveux, ultimes traces de sa présence corporelle. La croyance en l'Assomption, qui se fixe dans les esprits au XIIe siècle, place en effet au ciel le corps incorruptible de la Vierge, élevée avec son âme dans la lumière de Dieu.
Tout en assurant la promotion des pèlerinages, les récits de miracles de la Vierge, écrits le plus souvent par des moines, cherchent à faire éclore en chacun l'espérance d'une guérison. Rassemblés bientôt en collections, ces textes content les bienfaits innombrables de la Mère de Dieu. Ici, elle a rendu la vue à un pèlerin. Là, elle a permis la marche d'un paralysé. Ailleurs, elle a chassé les démons d'un possédé. Les miraculés du Moyen Age semblent tout droit sortis des Évangiles. Ils vivent le même lot de souffrances et d'infirmités puisées à une histoire commune : celle de l'humanité, soustraite, depuis la Chute, à l'état de bonheur et d'innocence du jardin d'Éden.
Les recueils de miracles racontent l'errance des hommes, toujours recommencée. C'est, par exemple, l'histoire de Théophile, qui a vendu son âme au diable, ou encore celle du clerc à la jambe coupée, celle de la femme enceinte tombée dans les abîmes de la perdition, ou encore celle de la jeune mère en détresse devant son enfant qui se meurt...
Notre-Dame intervient, opère le miracle en donnant une issue divine à une situation humaine sans issue : elle redonne la vie à l'enfant mort, rend sa jambe au clerc, etc. Tous ces récits de miracles traduisent la croyance en l'intercession de la Vierge : elle entend les implorations des hommes, puis les présente à son Fils afin que tous soient sauvés. Le catéchisme minimal du XIIe siècle est celui de la prière de l'Ave Maria.
A cette date, la Vierge en majesté trône sur les portails des cathédrales. Elle devient une image monumentale. A partir de la fin du XIIe siècle, on assiste à son couronnement aux côtés du Christ, à la fois juge et roi. Elle est l'Avocate des pécheurs et la Reine des reines.
Triomphante, Marie est vêtue d'un manteau que ses mains de beauté déploient pour accueillir la chrétienté sur le seuil des églises, qui représente la porte du paradis. Les commentateurs identifient également la Glorieuse à la Femme du livre biblique de l'Apocalypse, vêtue de soleil et couronnée d'étoiles. Ils soulignent son rôle dans l'histoire de la fin des temps. Son giron de Mère s'arrondit en même temps de nouvelles maternités spirituelles.
Vers 1200, l'ordre cistercien la proclame fondatrice et mère des moines. A l'instar de saint Bernard, « nourrisson de Notre-Dame » aux dires de son hagiographe Pierre de Celle, les novices sont présentés comme des frères de lait de l'enfant Jésus. Ils boivent le lait spirituel qui s'écoule du sein nourricier de la Mère de Dieu. A la suite de l'ordre cistercien, les nouveaux ordres religieux de saint François d'Assise et de saint Dominique revendiquent le patronage de la Vierge. L'iconographie les verra se blottir sous les pans du grand manteau de la Mère de miséricorde.
La figure mariale déploie dès lors toute sa magnificence. Le corps de Marie se trouve placé au cœur de la théologie. Il a donné naissance au corps du Christ, à la fois corps de chair, corps de l'eucharistie et corps de l'Église - c'est-à-dire de tous les baptisés. C'est pourquoi l'image mariale sert aussi de métaphore pour désigner la chrétienté elle-même qui est l'Église. Chacun des membres ou corporations qui la constituent - du peuple au pape - voit en Marie sa plus éminente figuration.
Au lendemain du concile du Latran, réuni par le pape Innocent III en 1215, la Vierge, modèle d'obéissance au Père, se voit donc proposée comme modèle de normalisation de l'Église. A elle de montrer l'exemple aux ordres religieux, de guider les âmes à la découverte du mystère de Dieu, d'inviter les fidèles à devenir des chrétiens exemplaires. En bref, de faire respecter le programme conciliaire d'éradication de l'hérésie cathare, d'encadrement de la croyance des laïcs et de construction de l'unité de la chrétienté.
En même temps que la Vierge est présentée comme l'exemple à suivre, les relectures du texte sacré insistent, également au XIIIe siècle, sur son rôle de « servante ». Marie est pour tous une Mère de tendresse qui s'agenouille et qui sourit.
Ses « fils » et ses « filles » trouvent en elle une sainteté imitable.
Au début du XIVe siècle, l'imitation de la Vierge ouvre de nouveaux chemins spirituels aux femmes mystiques. Celles-ci se découvrent enceintes du Saint-Esprit, enfantent l'enfant Jésus non pas dans leur corps mais en leur âme. C'est ainsi que Lidwine de Schiedam voit ses seins et son ventre s'arrondir comme celui d'une femme enceinte.
La dévotion mariale sert également à intégrer chaque corps individuel ou collectif de la société au corps de l'Église. De la Flandre à l'Italie, un même mouvement range maintenant sous le manteau de Marie confréries, cités, universités, etc. Aussi, lorsque la chrétienté perd son unité, c'est la tunique de Marie qui se déchire.
Après le Grand Schisme (3) (1378), le Fils martyrisé descendu de la Croix succède à l'Enfant Jésus sur les genoux de sa Mère. Les nouvelles figures de pietà montrent la Vierge douloureuse devant tous les malheurs du temps, tandis que le chant du Stabat mater et les lamentations évoquent des cœurs transpercés. Les douleurs remplacent les joies dans les litanies.
En Marie, clé de voûte de la chrétienté, la fin du Moyen Age essaie de retrouver son unité alors menacée. Les miracles et les apparitions de la Vierge s'y emploient, en particulier dans les controverses autour de sa Conception Immaculée, qui menacent plus que jamais l'unité de l'Église. Son visage sans tache fait rayonner sa beauté pure sur les tableaux qui représentent un jardin marial, promesse de paradis offerte à tous les enfers vécus.
La Réforme protestante, au XVIe siècle, correspond à une nouvelle lecture des Évangiles. Suspectant la dévotion à Marie d'idolâtrie, elle entend rendre à celle-ci une place strictement évangélique. La prédication protestante magnifie la figure de la Servante pour en faire un modèle de foi mais non de recours. La Vierge ne sauve pas... Marie ne peut pas plus que les autres saints contribuer au salut de quiconque. L'iconoclasme qui accompagne les guerres de Religion, en rejetant la représentation de la Vierge et des saints, emporte avec lui les statues et les miracles.
La Contre-Réforme, par réaction, leur donne une visibilité d'autant plus grande. La Vierge des XVIe et XVIIe siècles est la madone du catholicisme reconquérant. Après le concile de Trente (1545-1563) et la réaffirmation nette, par l'Église, de ses dogmes, la Vierge des Victoires prend le visage de la Femme forte de l'Ancien Testament. Elle se pare de lauriers pour afficher les couleurs du catholicisme triomphant. Les églises dédiées à la Vierge s'implantent dans toute l'Europe. Les monarchies catholiques du XVIIe siècle convoquent à leur tour sa figure victorieuse pour construire ou consolider leur pouvoir. En France, par exemple, Louis XIII place le royaume sous sa protection.
Son visage de « vierge » sert à présent les desseins missionnaires qui cherchent à évangéliser le Nouveau Monde, vaste terrain vierge de christianisme. L'image de Notre-Dame de Guadalupe trouve ainsi place jusque dans les plus humbles des oratoires mexicains, autour desquels se cimentent l'unité et la cohésion identitaire de cette chrétienté neuve. C'est également auprès des images mariales que, au XVIIIe siècle, les prêtres de Marie trouvent les moyens de l'évangélisation en profondeur des campagnes européennes. Ils ont pour nom Pierre de Bérulle, Jean Eudes, Louis-Marie Grignion de Montfort, etc.
Vœu à Marie, imitation de ses vertus, saint esclavage marial constituent alors les formes dévotionnelles les plus répandues. Sa statue porte le rosaire à la main - toute sa vie résumée dans ses mystères joyeux, douloureux, glorieux, méditée par les dévots - et elle montre son cœur uni à celui du Christ.
Cependant, le siècle des Lumières, dont la raison ne se veut plus contemplative, remet en cause tous les dogmes chrétiens, en particulier le sens de l'Incarnation. La révolution de 1789 conduit la Mère de Dieu en exil. La déesse Raison trône sur l'autel à Notre-Dame de Paris.
C'est sous la forme d'une statue aux couleurs blanc et bleu que la Vierge refait son apparition au XIXe siècle. Les imagiers de catéchisme de la rue Saint-Sulpice à Paris donnent à Marie le visage de la femme-fleur des romantiques. Les images pieuses sentent la rose et la violette. Les « enfants de Marie » et les jeunes filles processionnent vêtues de blanc et de bleu. Elles se retrouvent sous les traits de la Mère de cette Sainte Famille exemplaire que le nouveau catholicisme social cherche à diffuser. Notre-Dame de Grâce, de Charité, de Pitié ou du Bon Secours soutient la majorité silencieuse des masses laborieuses sur fond de montée des socialismes.
Les années 1830-1840 voient la réanimation des pèlerinages marials, le rétablissement des fêtes patronales, la redécouverte de statues miraculeuses solennellement portées sur les autels. En 1858, les apparitions de Marie à la petite Bernadette Soubirous précipitent à Lourdes les foules priantes. Quatre ans plus tôt, en 1854, au terme de plusieurs siècles de controverses, le pape Pie IX a proclamé l'Immaculée Conception de Marie, conçue hors du péché originel qui macule l'humanité.
Après 1870, face aux doctrines libérales et anticléricales, c'est à nouveau la Femme forte, cette fois vêtue du vêtement d'Apocalypse, qui est convoquée. Elle domine de ses 5, 10 ou 20 mètres de hauteur les rochers et les clochers de France. Au Puy, elle écrase de sa stature imposante un serpent qui porte le nom de tous les universalismes laïques et républicains.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la Dame du ciel entre dans le discours d'un catholicisme radical et intransigeant où priment autorité et antimodernisme. Les apparitions de la Vierge à Fatima au Portugal en 1917 - l'année même de la révolution russe - alimentent par exemple toute une propagande anticommuniste. C'est la Vierge de ce catholicisme réactionnaire qui domine la première moitié du XXe siècle. Elle s'estompe après 1945 pour faire place à de nouvelles tentatives de construction de la figure mariale, entre tradition et modernité.
Au terme de près d'un millénaire de discussions, les théologiens se prononcent en 1950 sur l'élévation de Marie « en âme et en corps à la gloire céleste » : c'est le dogme de l'Assomption de la Vierge, après celui de l'Immaculée Conception en 1854. Toutes ces définitions dogmatiques affirmées, le concile Vatican II (1962-1965) invite à un renouvellement du regard sur la Vierge, dont la beauté manifeste la beauté de Dieu. Lecture non finie d'une lecture infinie des Écritures - autre paradoxe...
Myriam la Juive, mère de Jésus devenue mère de Dieu, Reine des cieux, Notre-Dame, Servante du Seigneur, Madone dans la gloire, Vierge des pauvres, Immaculée Conception porte donc les noms qui ont dessiné ses deux mille ans d'histoire. Nom de celle, écrit Péguy, « qui est la plus près de Dieu parce qu'elle est la plus près des hommes » .
(2) La réforme grégorienne, opérée par le pape Grégoire VII (1073-1085), vise à affranchir l'Église du pouvoir des laïcs et à renforcer l'autorité du pape en face du pouvoir de l'empereur.
(3) Le Grand Schisme partage, de 1378 à 1417, l'Église en deux obédiences rivales : Rome, où l'attitude du pape Urbain VI provoqua l'annulation de son élection par certains cardinaux, et Avignon, où ceux-ci élirent le pape Clément VII.