MADAME LA PLUIE

Paroles Charles Trenet
Musique Charles Trenet
Interprète Charles Trenet
Année 1947 (inédit 1953)

Avant guerre, Trenet chantait les amours du soleil et de la lune ; après, il chante celles de "Monsieur Soleil" et de "Madame la Pluie / Grande dame qui s'ennuie" : nous ne sommes visiblement plus dans le même monde... Roland Gerbeau, qui fut encore une fois, après Que reste-t-il de nos amours ?, Douce France et La Mer, le premier à enregistrer la chanson (dès 1947), n'a d'ailleurs rien d'un Fou chantant.

DU FOU CHANTANT AU GENTIL POÈTE
(Intégrale Trenet : introduction du volume 6 ; Daniel Nevers ; 2002 ; Editions Frémeaux et Associés)

Les jours que vécut Trenet dans cette période étrange de l'immédiat après-guerre furent-ils aussi heureux que ceux qu'il avait connus juste avant, à l'époque où son irruption à la suite de Mireille, Jean Nohain, Jean Tranchant et quelques autres acheva de révolutionner la chanson française ? On pourrait l'affirmer, puisque cette nouvelle étape correspondait, une fois dissipé l'effet de surprise qu'il avait suscité, à une sorte de réflexion sur soi-même, allant de pair avec les grands voyages, les horizons perdus et la vraie reconnaissance internationale tant attendue. Toutefois, lors de certains entretiens qu'il eut dans les années 80, Charles crut bon de mettre un sérieux bémol à cette vision quelque peu idéale des choses. Se penchant sur cette période qu'il dit être la deuxième de sa carrière - celle de "l'après-swing" en somme, celle durant laquelle le "Fou chantant" intègre ladite folie comme un élément rationnel de son personnage -, il admet qu'elle fut moins sincère que la première (celle de la "folie folle") et que la troisième, celle du moment présent. Il convient au fond que dans sa première période, il ne joua aucun jeu parce qu'il ignorait qu'il fallût jouer et n'y songeait même pas. Quant à la troisième période, il affirme qu'il ne joue plus parce qu'il s'en fout et que, de toute façon, il n'a plus grand chose à prouver... Pour ce qui touche le "volet" intermédiaire, celui qui nous importe ici au premier chef, il laisse entendre qu'il accepta de manière plus ou moins consciente d'être ce qu'on voulait qu'il fût : un doux poète rêveur, aussi léger que superficiel, doublé d'un compositeur-amateur de gentilles mélodies faciles à retenir, proposant sans ostentation mais non sans roublardise ses petites chansons à un bon peuple simple gagné d'avance...

Autocritique sévère, mais probablement juste, car il faut admettre qu'à côté de choses aussi belles et fortes que La Mer, La folle Complainte (deux compositions du temps de l'Occupation popularisées au cours des années suivantes), Revoir Paris, Mes jeunes Années, L'Âme des Poètes, Les Gendarmes s'endorment sous la pluie, Mon vieux Ciné, aussi gorgées d'humour que Cœur de Palmier, Grand'maman, c'est New York ou Voyage au Canada, il en est d'autres où perce une facilité certaine, parfois à deux doigts de la platitude... On notera en passant que Trénet n'est évidemment pas dupe et que si par la suite, dans ses nombreux récitals, il garda toujours Je chante, Y'a d'la joie, Boum, Le Soleil et la Lune, Mam'zelle Clio, Revoir Paris, J'ai ta Main ou Que reste-t-il de nos amours ?, il se débarrassa assez vite des airs d'un jour ou d'une saison, qu'il s'était peut-être bien amusé à écrire, mais qui n'apportaient rien de plus à sa gloire.

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