LE SERPENT PYTHON

Paroles Charles Trenet
Musique Charles Trenet
Interprète Charles Trenet
Année 1951

Mon vieux ciné chantait les rêves et les amours que le "cinéma muet" inspirait au jeune Trenet. Le regard sur le "ciné de parleurs" hollywoodien est plus sombre, malgré une fantaisie apparente (jeux de mots et traits d'esprit) dans Le serpent python.

DÉSILLUSIONS AMÉRICAINES
(Intégrale Trenet : introduction du volume 6 ; Daniel Nevers ; 2002 ; Editions Frémeaux et Associés)

C'est de nouveau principalement au Canada que Charles passa cet automne 1950 ainsi que le printemps de l'année suivante. Son engouement du début pour le pays voisin s'était quelque peu émoussé à la suite d'un certain nombre de turpitudes rencontrées lors de ses précédents séjours. En mai 48 par exemple, au moment de débarquer, la Police des douanes l'avait bloqué pendant près d'un mois à Ellis Island, où les services de l'émigration retenaient les gens "pas clairs". Par là, n'entendons pas les Noirs, amenés jadis contre leur gré, considérés la plupart du temps comme des citoyens de seconde zone, et qui restent tout de même parmi les très rares à avoir malgré eux donné à ce pays la meilleure part de ses lettres de noblesse. Par là entendons ceux dont la vie, les mœurs, les opinions, semblaient devoir perturber l'harmonie céleste du divin American Way of Life... Une vieille histoire de fantômes pour rire (mais peu vêtus), survenue une nuit de 1931 dans les couloirs d'un hôtel de Vernet-les-Bains (Pyrénées Orientales), blague de potaches éméchés*, était arrivée jusqu'aux oreilles des vigilants gardiens de l'ordre... Il n'en fallut pas plus pour que l'auteur de Y'a d'la joie ! fût mis au cachot, au pain sec et à l'eau. N'exagérons rien : Trénet admettait lui-même que le directeur de cette prison, sachant qui il était, l'invita chaque jour à venir dîner à sa table en famille et à donner quelques récitals en privé... On finit par le libérer et, en guise d'excuse, on lui attribua une carte de séjour permanente...

Déception de plus grosse taille encore : le cinéma. Lui qui rêvait depuis toujours d'Hollywood et de ses mirages, qui se voyait déjà à cheval concurrencer John Wayne ou bien interpréter d'implacables tueurs à côté de qui Alan Ladd et Richard Widmark auraient eu l'air de fromages mous, se trouva vite échaudé. Certes, il vit de près des monceaux de stars que l'on n'aperçoit ordinairement qu'en deux dimensions sur les affiches et les écrans ; il les fréquenta, et fut apprécié d'elles quand il se produisit au Cyros, sur Sunset Boulevard ; il eut aussi un projet avec Laurel et Hardy alors sur leur déclin ; il signa même une sorte de contrat draconien. A la fin, rien ne se fit : pas de Stan ni d'Oliver et le contrat fut rompu à la suite d'une série de procès à rallonges. Pas assez docile, le froggie Trenet, comme d'ailleurs la plupart de ses compatriotes, toujours réticents à pointer au studio comme à l'usine et à accepter les règles de ce bagne doré... En comparaison, le Québec, par temps gris, par temps sec, parce qu'il n'hébergeait point la fabrique à images, était un havre de paix, l'appel d'air salutaire, indispensable à toute survie. Charles Trenet s'y réfugia et s'y résigna : il ne ferait jamais vraiment de ce cinéma hollywoodien pourtant si chéri...

* NDLR : cf. Sexuel été.

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