LA TARENTELLE DE CARUSO
Paroles | Charles Trenet | |
Musique | Charles Trenet | |
Interprète | Charles Trenet | |
Année | 1966 |
Venise, le carnaval, "une belle ribambelle d'arlequins et de grands vizirs", et une amourette pour s'amuser : une tarentelle au rythme endiablé et aux paroles ivres de jeunesse et de joie ("Quand j'étais jeune en dettes / En dentelle en bonnet pétard / Je passais pour voir ma belle / A travers cheminées et placards").
LE CARNAVAL DE PERPIGNAN
(Monsieur Trenet ; Richard Cannavo ; 1993 ; Editions Lieu Commun)
Pourtant, nouveau geste des cieux, c'est en cette année 1922 que Lucien Trenet enfin va réaliser le rêve de sa vie : installer son étude à Perpignan, sa ville natale, rue de la Cloche d'Or. La famille s'établit alors rue Villaseca, dans une petite maison avec jardin (que Trenet possède toujours). Antoine et Charles vont donc pouvoir quitter Béziers et revenir à Perpignan, où ils iront au collège Saint-Louis. Fini l'internat : inscrit en qualité « d'externe surveillé », le petit Charles retrouve chaque soir la saveur de la liberté, cette ivresse incomparable.
A Perpignan, il retrouve également le carnaval, ce bonheur d'enfant qui des années durant éclairera ses jours. Il racontera plus tard : « Le carnaval de Perpignan, c'était pour nous le bonheur absolu, la fête. C'était la joie. Je n'ai pas connu le carnaval de Provence, mais j'ai connu celui de Nice qui est une fête pour touristes, sans vouloir en dire du mal. Mais le carnaval de Perpignan avait ceci de particulier qu'il était l'objet de toute notre réalisation fantaisiste et poétique lorsque nous étions adolescents au collège. A partir du mois d'octobre et de la rentrée des classes, nous ne pensions qu'au carnaval. Cela ne nous empêchait pourtant pas de penser à nos études... Mais c'était parce qu'il n'y avait pas de télévision, il y avait très peu de radio. Le cinéma aussi nous plaisait. On parle maintenant de Charles Vanel. Mais moi j'ai vu ses films muets, je me souviens très bien de La Maison du mystère avec Charles Vanel. Et pour ce cinéma, il existait des billets de faveur grâce à une marque de chocolats : elle nous offrait des billets demi-tarif dans les plaquettes de chocolat. Ça s'appelait le Familia-Cinéma. Nous achetions toujours ces tablettes de chocolat et mon père disait le samedi : "Allez, on va au cinéma du chocolat !" Et ce cinéma du chocolat donnait des films que nous aimions, des films à épisodes comme La Main qui étreint... On ressentait des frissons extraordinaires et qui étaient vraiment à l'avant-garde de toute la poésie que porte en lui un enfant. On vibrait, on rêvait. Il faudrait d'ailleurs demander à des gens qui ont connu le début du cinéma parlant s'il les a fait rêver de la même façon. Moi je crois qu'il y avait un mystère dans le cinéma muet qui a été un petit peu détruit par le cinéma parlant. En tout cas c'est devenu un spectacle et Pagnol s'en est bien rendu compte quand il s'est contenté, comme Charlie Chaplin, de raconter des histoires sans se soucier des possibilités extraordinaires des caméras. Il a eu l'idée, après avoir vu Alexandre Korda mettre en scène son Marius, de faire la même chose : "Pourquoi ne ferais-je pas ce que fait Alexandre Korda ?" s'est-il dit. Il a pris cette décision comme l'avait fait Charlot avant lui, et il a tourné ses propres films. Les puristes ont dit alors : "Mais ce n'est pas du cinéma !" C'était quand même un spectacle extraordinaire. Et Marcel Pagnol a tourné la suite de Marius, Fanny. A ce propos la scène de la mort de Panisse me rappelle une très jolie histoire. Marcel Pagnol m'a dit qu'il trouvait que l'acteur Charpin, pour un mourant, était trop bien rasé, parce que c'était un homme très propre, toujours tiré à quatre épingles, comme Raimu ; ils étaient toujours très bien habillés... Et Charpin arrivait comme ça au studio, lisse, propre, impeccable, et se mettait sur son lit de mort. Alors un jour Pagnol lui dit : "Ecoute, Marcel, quand même, pour un mourant je trouve que tu es rasé d'un peu trop près ! Tu devrais te laisser un peu pousser la barbe..." Et l'autre lui répond : "D'accord. Je vais me la laisser pousser à partir de demain". "Pourquoi pas tout de suite ?" Et Charpin, superbe : "Un mourant, ça veut gagner du temps..."
Pour en revenir au carnaval de Perpignan, il se déroulait dans des batailles de fleurs, et ces batailles se faisaient uniquement avec des petites branches de mimosa que l'on se jetait d'un côté et de l'autre des barrières du corso. Au milieu du corso arrivaient des chars qui n'étaient pas encore des chars automobiles, donc qui n'empestaient pas : l'odeur du carnaval était celle des mimosas. Si on voulait le refaire maintenant, il y aurait sûrement des voitures et ça sentirait les gaz brûlés. Il y avait l'odeur des chevaux aussi, et même l'odeur du crottin qui se mélangeait très agréablement à celle du mimosa, ce n'était pas une odeur fausse, c'était une odeur naturelle, c'était une odeur campagnarde... Car le carnaval de Perpignan était fait aussi par les villageois et les vignerons, c'était encore un peu plus de campagne dans une ville qui était déjà dans la campagne. Car il n'y avait pas une rue de Perpignan, à cette époque-là, qui ne débouchait sur un Canigou ou sur des Corbières ou sur la mer.
Le carnaval, c'était une chose qui était incomparable en ce sens qu'elle était intrinsèquement vraie, une chose qui a été copiée par la suite à destination des touristes ; il y a eu de mauvais carnavals de Perpignan plus tard, et finalement cette tradition s'est perdue. Maintenant, pour retrouver cette fête de Perpignan, il faut aller en Allemagne où certains carnavals demeurent authentiques, où les gens veulent vraiment s'amuser. Seulement, il leur manque cet esprit de petite province qui ne possède que ça. Il n'y avait que ça à Perpignan, à l'époque, et c'est pourquoi ça se préparait plusieurs mois à l'avance.
C'était un peu le banc d'essai pour les trouvailles de poésie, de théâtre, de l'idée de spectacle.
De poésie surtout, dans la mesure où, on le voit avec le recul par la façon dont on le vivait, pour les gens qui voulaient bien être poètes, c'était extrêmement poétique ; pour les autres, ce sont simplement de bons souvenirs de jeunesse.
En tout cas, ce qui rejoint la poésie, et même pour les gens qui ne l'ont pas sentie à ce moment-là, c'est la fraîcheur de sentiments qui animait tout le monde. Voilà. Il n'y avait pas l'ombre d'une aigreur, de quelque chose qui grince. »