C. Trenet / La marche des bons enfants

Catherine, Catherine,
Tu t'ennuies dans ton palais
Et le temps qui te burine
Marque chaque jour tes traits.

Au fond des couloirs tu passes
Comme un fantôme du passé.
Tu rencontres des rapaces
Qui voudraient bien te chasser.

Catherine, Catherine,
Ton joli temps s'est enfui
Et tes joues de mandarine
Sont devenues couleur de suie.

Tes lèvres jadis purpurines
Grises n'ouvrent qu'à moitié
Pour maudire la poitrine
De la Diane de Poitiers.

Dans ta tête tu projettes
Tes souvenirs avec Henri.
C'est par un beau jour de fête,
La lance de Montgomery
Fait soudain s'envoler l'âme
De ton époux adoré
Que ne put sauver, Madame,
Le zèle d'Ambroise Paré.

Et puis, loin de tes demeures,
Deux de tes fils, tour à tour,
Après maladie se meurent
En emportant ton amour.
Le dernier de la cigogne,
Le plus doux dans ton esprit,
S'enfuira roi de Pologne
Pour régner seul à Paris.

Déjà, les batailles grondent,
Les soldats ne sont pas penauds,
Mais des traîtres à la ronde
Favorisent les huguenots.
Et de Guise se déguise
En fiston, en vieil ami,
Et ta fille Margot en crise
Se sépare de son mari.

Elle prétend qu'il fume une pipe
Qu'il appelle son chibouk.
Elle pend toujours à sa lippe
Et lui pue comme un vieux bouc.

A présent c'est loin l'enfance
Dans ton merveilleux pays
De Toscane, de Florence,
Où princesse tu naquis.

Mais que t'importait Florence,
Bien plus tard, quand tu savais
Que le Royaume de France
Etait là qui te suivait...

Le temps passe, le temps presse.
Dis adieu à tes amis.
A présent on te confesse
A Dieu... Saint-Barthélemy.