J'VOUS AIME PAS

Paroles Albert Bausil
Musique Johnny Hess
Interprètes Charles et Johnny
Année 1934

La deuxième contribution (après Sur le Yang-Tsé-Kiang) de Bausil au répertoire de Charles et Johnny : refus du sentiment amoureux et exaltation du désir.

CHARLES TRENET ET ALBERT BAUSIL
(Monsieur Trenet ; Richard Cannavo ; 1993 ; Editions Lieu Commun)

Au contact du bon Albert l'enfant un peu sauvage, élève indiscipliné et fantasque, découvre les grands classiques, de Jules Verne à Victor Hugo, de Zola à Paul Morand, et puis les poètes bien sûr, en particulier Verlaine et Baudelaire. C'est dans la mouvance de son nouveau « maître » que le jeune Charles, qui est encore à l'âge où l'on se forge une âme, va rapidement acquérir une culture littéraire. Culture brouillonne : c'est en ces années de prodigieuse découverte sans doute que, ne suivant que les élans de son instinct et les conseils de son ami, cet adolescent rétif va développer son sens aigu de la liberté d'esprit, de l'indépendance du jugement, et son rejet affirmé de toute autorité. En somme, au contact d'Albert Bausil, Charles Trenet va affermir une personnalité jusqu'ici à peine esquissée.

Il racontera un jour : « Je lisais tout. Tout ce qui paraissait. Albert Bausil m'avait ouvert son immense bibliothèque, il me guidait. J'allais aussi, à l'époque, chez un docteur me faire faire des piqûres de Glucosérum pour la croissance. C'était un curieux médecin qui faisait toujours des jeux de mots. Il avait tous les livres et il savait que ça m'intéressait, alors il m'en donnait. Il était très gentil, il n'a jamais voulu un sou... C'était très drôle parce qu'il avait toujours une espèce de petite bulle de salive au milieu de la langue et alors, pour l'imiter, avec Albert, on se mettait un bout de pain. Il devait être un petit peu épileptique, mais à un degré infime. Mais il avait tous les livres, alors moi j'ai tout lu. Ma correspondance avec Morand a commencé très jeune. J'ai tous les livres de Morand signés. Il m'é écrit des poèmes. J'ai beaucoup de livres qui me sont dédiés d'ailleurs, des dédicaces très belles. Par la suite, j'ai été content de les connaître, tous ces grands hommes, en arrivant à Paris. Je lisais Maurois, je lisais Mauriac, mais surtout Morand parce que Morand c'était moderne. C'était "l'homme pressé", c'était cette idée - qui ne m'a pas déçu - de l'Amérique quand je suis allé à sa rencontre : la première fois j'ai retrouvé en effet l'Amérique de Morand. On lisait bien sûr au collège, en particulier, Alfred Jarry. Moi je suis revenu un peu sur tout ça, par la suite. Mais mon préféré a toujours été Max Jacob.

En réalité je peux dire qu'entre quinze ans et dix-sept ans, j'ai ingurgité tout ce qui paraissait de bon. La plupart de ces livres étaient de chez Grasset parce que c'était un très grand éditeur à l'époque. C'était Grasset lui-même qui dirigeait sa maison. Je l'ai connu un peu plus tard en venant à Paris. Je voulais savoir quelle tête il avait et ça m'a fait un peu peur parce qu'il ressemblait à Hitler...

Morand, avec son faciès asiatique, il se sentait un peu Bouddha vivant... On m'a raconté une chose. Il était marié avec Hélène, une Roumaine qui était aussi une authentique princesse et qui avait douze ou quinze ans de plus que lui. Elle est morte à quatre-vingt-seize ans, et lui à quatre-vingt-huit ans ; elle est donc morte avant lui. Il adorait sa femme, et ce qui était extravagant, c'est que pendant les dernières années de sa vie, Hélène, qui s'était cassé le col du fémur six fois de suite, vivait dans une espèce de berceau, elle était toute rétrécie, elle était devenue absolument minuscule. Eh bien, pour son quatre-vingt-quinzième anniversaire, Paul Morand lui avait offert un manteau de vison blanc absolument somptueux, qu'elle ne pourrait jamais mettre évidemment, et il le savait bien puisqu'elle ne pouvait plus sortir de son berceau. Le manteau de vison blanc lui servait de couverture et de dessus de lit !...

Il m'a dit aussi cette chose merveilleuse, il m'a dit : "Voyez-vous, je rentre auprès d'elle tous les soirs parce qu'elle est tellement gentille, intelligente, précieuse que j'ai besoin d'être avec elle. Alors le soir, voilà ce qui se passe : j'écoute à la fois la radio et la télévision." Oui, il n'écoutait pas le son ! Il allumait la télévision, les images lui tenaient compagnie, et il mettait France-Culture à la radio, pour elle ! »

Et puis il y a Bausil donc, Bausil qui, outre ses lectures, va encourager Charles à peindre, et même organiser ses premières expositions dans les librairies de la ville, où le petit Trenet affiche ses toiles et aquarelles très colorées de Cerdagne et de Collioure. Car Bausil, dont le propre frère Louis est peintre, aime aussi éperdument cet art qui sait si bien flatter son amour du beau. Il est d'ailleurs l'ami de Louis Codet, de Fons-Godail, de Gauguin même qui, de Tahiti et des îles Marquises, envoie des gravures à Perpignan ! Mais surtout, le patron du Coq catalan va publier les premiers poèmes du jeune Charles, et le pousser à écrire. Il lui fera en outre travailler sa diction et, à travers ses revues, lui offrira ses premiers contacts avec le public. La liste est longue en effet de ces spectacles auxquels a participé Charles Trenet à divers titres, soit qu'il y ait joué, soit qu'il en ait écrit les lyrics. On l'a vu, c'est à l'occasion des répétitions de Allô Père Pigne que les deux hommes se rencontrent, et c'est la première apparition de Trenet sur les planches, en 1926. On comptera ensuite :

La Têt en bas (1926) (la Têt étant une rivière qui traverse Perpignan) ; Le Bandit du Canigou (1930), joué à Vernet-les-Bains ; Qu'importe le flocon (1930), Font-Romeu ; Vernet en parade (1931), à-propos représenté à Vernet-les-Bains ; Les Deux Timides (d'Eugène Labiche, 1931), interprété par Albert Bausil et Charles Trenet à Vernet-les-Bains ; Enfin, elle ! (La neige) (1931), Font-Romeu ; Musique en Têt (1933) ; Revue de printemps (1933) ; Ça c'est catalan (1933) ; Vive la joie ! (1934) ; Printemps 36 (1936).

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