JUSTE POUR RIRE

Paroles Charles Trenet
Musique Charles Trenet
Interprète Charles Trenet
Année 1986

Une chanson de l'album Florilège 86, dont une seconde version plus rythmée figure sur l'album posthume Je n'irai pas à Notre-Dame (2006), et qui constitue un clin d'œil de Trenet à son nouveau producteur, le québécois Gilbert Rozon, créateur du festival Juste pour rire de Montréal.

(VRAI) RETOUR SUR SCÈNE
(Monsieur Trenet ; Richard Cannavo ; 1993 ; Editions Lieu Commun)

« Revoir Paris... » titrent pour leur part Sophie Grassin et Yves Stavridès dans L'Express du 16 décembre (1). Ils écrivent :

« Ah, la belle nature ! Les autres crachotent de petits airs tristes, douloureux, asthmatiques. Lui traverse le siècle avec bonne humeur. Charles Trenet, soixante-quinze ans, est un VRP du bonheur. Gai comme un sale gosse. "Il y a quelque chose en moi qui n'a jamais mûri".

Longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu, Charles, lui, est revenu. En 1975, pourtant, il avait tiré la trappe. A l'Olympia. "Je n'ai pas envie de devenir une vieille gloire qui pontifie", expliquait-il en guise de testament. Depuis, il a repiqué. Après une valse-hésitation. Mais fort d'une conviction : "C'est le public qui fait ses adieux à un artiste. Pas l'inverse." Le "fou chantant" investit donc le Châtelet (du 17 au 31 décembre). Avec ses bretelles, ses vestes cintrées, son chapeau mou, son allure dingo, son allure d'Harpo. Et c'est pour ça, la-do-mi-sol, qu'on aime toujours le music-hall.

Le responsable de ce revirement se nomme Gilbert Rozon. Il est canadien. Il a trente-deux ans. Hier encore, il ignorait tout de Trenet. "Je connaissais juste cette pub au cinéma qui aboyait 'Douce France'." Un jour, cet impétrant fouille dans le bac d'un disquaire. Il en extirpe un Best of Charles Trenet. En l'écoutant, je suis tombé au bas de ma chaise. Ça me semblait impossible qu'un seul homme ait fait tout ça." Alors, de Montréal, Rozon écrit à "Monsieur Trenet", "en essayant de faire une lettre sans fautes d'orthographe". Et Monsieur Trenet lui répond bien poliment qu'il a tout arrêté, qu'il ne veut pas manquer à sa parole, et que, d'ailleurs, de quoi aurait-il l'air ? D'une momie ? "Je ne l'ai plus lâché, raconte Rozon. Je lui disais : 'Il faut remonter, Charles. Charles, il faut remonter. Vous avez des doutes, mais vous êtes le plus grand.' Je l'agaçais terriblement." Pas longtemps. Il deviendra son producteur.

Sur scène, "Charles" est toujours épatant. Aérien, fantasque, pétillant. Un comprimé effervescent. Il plaisante, il pirouette, il gambade. Ce type-là, c'est de la vodka, du gaz en fuite, de l'Amora. "Il chantera jusqu'à quatre-vingt-dix ans", prédit Rozon. C'est qu'il s'entretient. "Partout où nous passons, il me demande de lui acheter des poids et des haltères. Il en soulève cent au petit déjeuner." Il lui faut aussi une piscine pour abattre ses vingt longueurs quotidiennes. "Personnellement, j'ai du mal à suivre", soupire son manager.

Avant chaque concert, Charles est saisi par le trac. Il a le sourire qui chavire. Il se lamente, se plaint, "chigne" comme un gamin : "J'étais bien dans ma campagne, Gilbert. C'est vous qui m'avez poussé à être là. C'est votre faute, tout ça." Un rite patte de lapin. Puis la lumière s'éteint : il se lance. Calé entre ses deux pianistes, il ne chante pas "soir et matin". Il chante ce qu'il a décidé de chanter. Pas plus. Pas moins. Aucun rappel. Jamais. Une fois, une seule, à Montréal (cet été) les "une autre ! une autre !" l'ont ramené devant le micro. Dans les coulisses Gilbert Rozon justifie le miracle : "En cours de récital, il a oublié une chanson. Il s'en est rendu compte au baisser de rideau. Voilà pourquoi il est revenu. Charles est un artiste honnête."

Charles est aussi (Charles est surtout) un artiste fidèle. "Fidèle, fidèle / Je suis resté fidèle à des choses sans importance pour vous". Depuis qu'en 1938 ce lutin bohème, farfelu, primesautier a déboulé sur la scène de l'ABC, il susurre les mêmes simplicités loufoques, surréalistes et délicieuses. C'est "une vache sur un mur qui rumine du pain dur", "C'est la vie qui va toujours", les amourettes passagères, les peines de cœur légères. "Je compose en état d'hypnose, dit-il. Ce n'est pas moi qui choisis mes chansons. Ce sont elles qui me choisissent." Elles le choisissent sans hésiter. De sa vie, il n'a jamais raturé le moindre papier.

Trenet débuta sous le Front populaire. Cinquante ans plus tard, il ouvre les meetings électoraux de François Mitterrand. L'histoire en chantant.

La petite histoire, elle, le dit capricieux, égocentrique, avare. "Charles est un homme d'affaires, s'insurge Rozon. Pas un artiste déconnecté. Et il est plutôt grand seigneur. Je l'ai vu inviter cinquante personnes à dîner." Trenet évite les interviews, fuit les raouts mondains, exècre les soupers de notables. Pour l'heure, il n'a qu'une chose en tête : revoir Paris. Dans sa loge, quand son producteur viendra lui préciser : Ce soir encore, on a refusé mille personnes, il fera semblant de s'étonner. Et chuchotera : Je suis flatté... »

(1) NDLR : 1988.

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