JOHNNY, TU ME MANQUES
Paroles | Charles Trenet | |
Musique | Charles Trenet | |
Interprète | Charles Trenet | |
Année | 1993 (inédit 1995) |
Un adieu à Johnny Hess, disparu en 1983, et une belle occasion pour Trenet de confier encore une fois sa "nostalgie" pour "Ce temps, proche de l'enfance, / D'une adolescence / Partie sans retour."
JOHNNY HESS PARLE DE CHARLES TRENET
(Monsieur Trenet ; Richard Cannavo ; 1993 ; Editions Lieu Commun)
Pourtant il n'est pas jusqu'à Johnny Hess lui-même qui n'émette quelques réserves sur son duo avec Charles. Près d'un demi-siècle plus tard, il disait : « C'était bien, parfois même très bien, mais ça n'a jamais été accompli, du fait que l'un comme l'autre, sans le dire parce que sans le savoir vraiment, nous aspirions déjà à autre chose. Autre chose qui était des carrières séparées, afin de devenir de grandes vedettes. Mais, ne serait-ce que pour un titre, "Vous qui passez sans me voir", cela vaut vraiment d'avoir été fait. Il ne faut tout de même pas oublier que cette chanson est un succès mondial qui a été exporté par Jean Sablon aux Etats-Unis mais qui a été enregistré des centaines de fois là-bas depuis, et que cela s'enregistre encore aujourd'hui. Jusque dans des pays comme le Japon, l'Australie, l'Allemagne ou même la Russie, c'est un titre célèbre. Il y a même eu d'autres titres qui sont plus appréciés à présent qu'à l'époque comme "Tout est au duc" ou "Sur le Yang-Tsé-Kiang". Encore que pour ce dernier, il était le clou de notre numéro et nous permettait d'accrocher le public qui en riait beaucoup. Et puis, sur le plan de la scène, cela nous a aidés notablement à apprendre notre métier et nous a facilité la tâche quand nous avons volé de nos propres ailes, chacun de son côté... »
Un détail que Charles Trenet confirme quand il dit :
« D'avoir été chanteur debout dans le duo avec Johnny m'avait déjà beaucoup appris... »
Pourtant Johnny n'a pas vécu par la suite dans le souvenir constant de ce temps béni où il était l'alter ego d'une star : lui aussi a eu du succès, un énorme succès. Dès 1939, lorsqu'il lance « Je suis swing », il bat des records de ventes de 78 tours : c'est un tube, un vrai, et avec l'invention formidable d'une onomatopée qui signifie encore quelque chose aujourd'hui : zazou. C'est au refrain et sur un rythme frénétique, il chante : « Zazou, zazou, zazou, zazou, eh ! » « Je suis swing » est d'ailleurs plus qu'une chanson puisque tout un mouvement va en découler, dont Johnny sera le prince. Jusqu'en 1944, Johnny Hess va être une tête d'affiche de tous les music-halls français, belges, suisses et même britanniques ou sud-américains. Il est une énorme vedette : entre 1938 et 1944 il enregistre une vingtaine de disques !
Presque autant que Charles Trenet !...
Par la suite, son côté fantasque, qui n'est nullement un défaut, l'avait quelque peu écarté de la gloire. Cela ne l'a pas empêché d'écrire nombre de musiques pour des chansons américaines et pour des films, toujours américains, ce qui est aussi un label de notoriété. Si ses rencontres avec Charles s'étaient espacées, ils n'en entretenaient pas moins des rapports très cordiaux et déjeunaient quelquefois à La Varenne. Jusqu'à sa disparition à l'automne 1983, Johnny ne tarissait pas d'éloges sur les qualités d'hôte de Charles, et vantait ses dons de cuisinier original et digne des meilleurs établissements.
D'ailleurs, lorsqu'il parlait de cette époque lointaine Johnny Hess, même s'il ne parvenait pas toujours à masquer une certaine amertume, finissait toujours par lâcher, dans un sourire : « Nous nous sommes tellement amusés ! »