FRANCE-DIMANCHE

Paroles Charles Trenet
Musique Charles Trenet
Interprète Charles Trenet
Année 1947 (inédit 1948)

De ses souvenirs d'adolescence à Perpignan (avec les inévitables "jeunes amourettes") aux petites joies du dimanche "Au cœur du vieux Paris" après les temps difficiles de l'Occupation, Trenet célèbre encore une fois le bonheur de vivre dans une Douce France préservée des vicissitudes de l'Histoire : "Les valses dans les guinguettes / Sont musiques d'antan".

EXIT LE FOU CHANTANT
(Intégrale Trenet : introduction du volume 5 ; Daniel Nevers ; 1998 ; Editions Frémeaux et Associés)

Le voyage d'Amérique, Trenet aurait dû le faire dès 1938-39, quand William Morris, l'un des gros impresarii de là-bas, lui signa un joli contrat pour les Etats-Unis. Mais la guerre puis l'Occupation retarderont passablement les choses. Charles ne partit donc pour la première fois outre-Atlantique, par la voie des airs, que vers la fin de 1945. Il rentra à temps pour la séance du 19 mars 1946, puis repartit dès le mois suivant pour ne revenir qu'à l'heure des fêtes de fin d'année. Il est vrai qu'il ne se contenta pas alors des U.S.A. et alla aussi se produire en Amérique latine en faisant un  petit crochet par le Canada... Il rencontre Frank Sinatra, Louis Armstrong, Duke Ellington, Judy Garland et sa petite fille Liza, Mary Pickford, Al Jolson, Charles Chaplin qu'il admire depuis si longtemps. Mais il n'en a pas moins le mal du pays et un jour, alors qu'il se trouve à Rio de Janeiro et qu'on l'attend à New York, il prend un avion pour la France !... Charles précise que cette escapade - qui lui valut pas mal d'ennuis avec les très stricts Américains du nord ! - prit place en mars 1947 et que le voyage impromptu lui inspira les couplets de Retour à Paris (d'abord baptisé Revoir Paris, titre malheureusement déjà déposé à la SACEM par quelqu'un d'autre)... Il doit y avoir une légère confusion dans ses souvenirs, car Retour à Paris fut enregistré dans cette ville, justement, dès le 7 janvier 1947... En mars donc, la chanson existait et se trouvait même déjà inscrite dans la cire, prête à être livrée, couplée avec le Retour des saisons (encore un retour !), au public impatient.

Retour à Paris est sans doute, avec sa nostalgie douce, la plus jolie réussite de cette période baladeuse. Tombé du ciel et surtout Marie-Marie, qui peut évoquer sur un mode plus paisible Que reste-t-il de nos amours, alors que le vieux clocher de campagne cède la place à l'image de la grande ville (Paris), se retrouvent également dans le peloton de tête, ainsi que N'y pensez pas trop, du côté de la fantaisie. Toutes ces nouvelles chansons paraissent ressortir, du moins dans leurs versions phonographiques, de ce que l'on pourrait appeler le « syndrome de La Mer ». La présence, dans chaque cas, d'Albert Lasry comme arrangeur et directeur d'orchestre n'y est certainement pas pour rien. On remarque aussi l'importance prise soudain par une section de cordes nettement plus fournie que naguère. Ce sont ces violons qui jouent le thème et procurent la plus grande part de l'accompagnement, tandis que les cuivres et les anches se trouvent relégués à l'arrière plan et se contentent la plupart du temps d'indiquer les ponctuations ou d'intervenir parfois dans la coda. La référence au jazz (quand il y en a une), auparavant si marquée, s'estompe pour ne plus être que suggérée. On aboutit ainsi à une structure musicale quelque peu stéréotypée engendrant elle-même, à la longue, une monotonie certaine. Honnête musicien, Lasry n'a cependant pas l'imagination ni la passion de Chauliac. Mais il y a autre chose, comme un grand désir de changement. L'époque du chanteur « swing » (la guerre, l'Occupation), qui a succédé à celle du « Fou chantant » (l'immédiat avant-guerre) de manière cohérente, logique, semble à présent révolue. Sans le moins du monde renier ce passé glorieux, en y faisant même fréquemment référence, Trénet aspire à un renouvellement. Il ressent le besoin impérieux d'élargir son horizon, tant musical que poétique. Des chansons comme La mer ou Retour à Paris en sont la preuve. Il y a là un tournant capital à négocier, en cette fin des années 40. D'autant que la « swing » était, une dizaine d'années plus tôt, la musique par excellence d'une Jeunesse insouciante. Or, cette après-guerre se révèle bourrée de soucis et, de son côté, sans être un vieillard (il ne l'est pas davantage aujourd'hui !), Charles n'a plus vingt ans. Il n'est donc plus tout à fait en phase avec le nouveau « jeune public ». Un public chez qui de nouveaux courants musicaux - celui que l'on commence à appeler « bebop », par exemple - ont tendance à remplacer les anciens... Quelques années plus tard débarquera le rock. Il est donc de la première importance de ne pas se laisser déborder et d'imposer une nouvelle image, plus classique en somme... Cette période 1946-1950, faite de voyages et de découvertes y contribuera grandement. Le Trenet de la seconde moitié du siècle sera autre : toujours aussi chantant, mais plus aussi fou...

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