FONS GODAIL

Paroles Charles Trenet
Musique Charles Trenet
Interprète Charles Trenet
Année 1972

Alors que Trenet va allégrement sur ses soixante ans, les figures marquantes de son enfance et de son adolescence reviennent en force dans ses chansons, comme pour tenter de conjurer le temps qui passe : après le poète Albert Bausil, évoqué directement dans Fidèle et à mots couverts dans L'abbé à l'harmonium et Samedi soir usagé, voici surgir du passé un homme tout aussi "vieux", "charmant" et "joyeux", le peintre André Fons Godail.

FONS GODAIL
(Le Coq catalan n°20 ; Charles Trenet ; 14 mai 1932)

J’ai une confession à faire. L’aquarelle qui est accrochée au-dessus du piano chez moi, et qu’on croit de moi, est en réalité de Fons Godail.

Voici les faits. Un séduisant crépuscule. Je suis seul dans les jardins de Saint-Jacques. Je peins mal une aquarelle sale.

Soudain débouche d’un sentier l’artiste. Il sourit parce que nous nous connaissons et qu’on se sourit quand on se rencontre dans la campagne, surtout quand on est peintre et qu’on aime les jardins au crépuscule.

Fons approche, encombré de boîtes, d’un pliant et d’un chevalet de son invention, de stabilité à toute épreuve (ne suspend-il pas un sac de pierres entre les trois pieds ?).

Fons regarde mon aquarelle. Il lit mes douze ans dans le dessin gauche, les couleurs tragiques, la palette malpropre.

Il s’installe près de moi :

- Prête-moi ton album, tu vas voir.

Je lui tends le papier. Il campe un pin parasol, une métairie, une tache verte : salade, artichauts. Une autre tache verte renforcée de rouge brun qu’il aime tant : cyprès, balustrades. Un ciel presque blanc, sans oiseaux, sans nuages.

Fons-Godail me rend mon bloc. Je n’ai plus qu’à constater le miracle.

Le soir, à la maison, on disait que j’avais beaucoup de talent. J’avais honte.

Depuis, j’ai rencontré souvent Fons-Godail dans les jardins. Nous escaladions les bois d’oliviers sur les petites collines de la route de Canet, et là nous plantions nos chevalets.

C’était frais, cet air et ce vent de la mer. Fons restait là des heures, patient. Souvent un courant d’air emportait ma toile. Je la voyais rouler au pied de la colline, où je la retrouvais pleine de poussière. Fons riait. De près, la fumée de sa pipe tachait le ciel et la tour Saint-Jacques.

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