EN CE TEMPS-LÀ

Paroles Charles Trenet
Musique Charles Trenet
Interprète Charles Trenet
Année 1950 (inédit 1952)

Chœurs et violons pour un amour du "bel âge" qui continue à vivre dans le "souvenir".

EN CE TEMPS-LÀ
(Mes jeunes années racontées par ma mère et par moi ; Charles Trenet et Marie-Louise Caussat-Trenet ; 1978 ; Editions Robert Laffont)

Quand j'étais petit, ma mère était très grande (quatre ou cinq mètres de haut sur deux mètres cinquante de large).

Comme elle se mouvait sans cesse, pleine d'une énergie qui rechargeait une vitalité débordante, nous l'avions surnommée, Antoine et moi : Horse-Power, « la puissance-cheval ». Sobriquet où le respect et l'admiration le disputaient à l'amour et à l'esprit rigolo des deux petits lolos que nous étions, deux frérots à jambes couronnées, à col marin le dimanche et à famille un peu surprise de voir se développer chez elle des êtres issus de sa chair mais un peu différents, pas tellement au regard de la génération dite montante, mais comme venus d'une autre planète avec accident de vaisseau spatial à Narbonne-Aude.

Maman était donc « la puissance-cheval », l'élément indispensable à la marche (rapide) de la maison. Elle savait la servir et s'en servir - sans elle, plus d'ailes aux armoires, plus de nains cachés dans les placards pour faire peur les jours de grogne ou de caca aux culottes, plus d'histoires merveilleuses racontées au coin du grand lit où nous couchions, mon frère et moi, tête-bêche, comme deux petits valets de jeu de cartes.

En dehors de maman, il n'y avait que des ombres, toutes féminines : tante Emilie et mes deux grands-mères, tout le monde le sait, on l'a dit tant de fois ! Ces ombres, qui étaient déjà des fantômes de leur vivant, je les retrouve toujours lorsque je m'enferme dans cette vieille guimbarde de maison natale, à l'abri du gazouillis des piafs de La Varenne, dans le cri des locomotives et le bruit des conversations sur la passerelle.

Ah, le doux accent qui roucoule et module si bien quand il faut pour appuyer sur le sens d'une phrase. Le vent, complice de tout, ne me fait grâce d'aucune syllabe et se charge à merveille d'orchestrer en symphonie les sonorités ambiantes qui m'enchantent. Je crois entendre encore dans cette harmonie permanente l'écho d'un passé dont je ne cherche plus à savoir s'il est lointain tant il est présent.

Je quitte deux mondes en les amalgamant. La faculté de les abandonner l'un et l'autre en les réunissant me fait « voyager » (le mot semble à la mode) dans une dimension dont il serait malaisé de définir la nature. Bref, je suis à Narbonne - donc, je pense !

Je pense à toute cette poussière, à tous ces feux de cheminées, à cette tonnellerie de mon Auguste grand-père, aux trois ombres, à mon frère Antoine.

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