DOUCE FRANCE

Paroles Charles Trenet
Musique Charles Trenet
Interprète Charles Trenet
Année 1943 (inédit 1947)

Il fallait être aveugle à la réalité pour oser chanter la douceur de vivre en France pendant l'Occupation, mais Trenet efface les difficultés de la vie quotidienne et réconcilie tout le monde (pétainistes, maréchalistes, collaborateurs, attentistes, résistants) en se réfugiant comme souvent dans la "tendre insouciance" de l'enfance, une enfance plus que jamais rêvée (le cadre est rural alors que Trenet a toujours été un citadin) mais qui n'oublie pas d'affirmer une continuité historique et culturelle rassurante dans un pays alors menacé dans son existence même ("Je chantais à pleine voix / Des romances sans paroles / Vieilles chansons d'autrefois"). Régression infantile pleine de fraîcheur mais non dénuée de rouerie, Douce France confirme ainsi, après Que reste-t-il de nos amours ?, le basculement de l'auteur vers le chanteur-poète bourgeois. Elle témoigne également des mêmes hésitations à renoncer au Fou chantant : si Trenet a chanté Douce France sur scène dès sa création, il a attendu 1947 pour l'enregistrer, et c'est à nouveau Roland Gerbeau qui l'a gravée le premier, le 6 février 1944.

LETTRE OUVERTE A CHARLES TRENET
(Le Réveil du peuple ; Le Radioteur* ; 14 février 1941)

Monsieur,

Puissent ces lignes vous tomber sous les yeux et nous permettre d'avoir de votre part des précisions incontestables au sujet de votre origine. Avant la guerre, les milieux juifs n'arrêtaient pas de faire du battage à votre sujet et de vous revendiquer comme étant un de leurs coreligionnaires. Nous ne nous appesantirons point sur ce terme que nous considérons comme impropre, attendu que depuis l'armistice, ou même auparavant, un certain nombre de Juifs ont cru qu'il était très malin, pour se "déjuiver", de se faire baptiser, de faire une première communion, ou de se marier en grand tra-la-la avec fleurs, orgues et suisses.

C'était d'ailleurs une excellente affaire pour nos judéo-chrétiens toujours à l'affût de voir tomber quelques centaines ou milliers de francs dans les escarcelles du denier du culte, d'un culte voué à un Dieu qui prêchait... la pauvreté ! Nous vous demandons plutôt si vous ne faites pas partie de la race juive. Vous n'ignorez pas que chacun répète, officiellement ou sous le manteau, que votre nom n'est que l'anagramme de Netter et que NETTER est un nom spécifiquement juif. Passons ! Nous pousserons même la générosité jusqu'à dire qu'il existe, en Bretagne particulièrement, des Abraham, des Isaac qui n'ont de juif que leur nom, car il est peu vraisemblable qu'à l'origine des siècles leur nom ait été transmis par un vagabond originaire de Judée. On ne trouve cependant point de Lévy. Encore moins de Netter. Nous aimerions donc connaître, monsieur Trenet, la généalogie de votre famille. Mais minute ! Cette généalogie ne doit pas s'arrêter à vos grands-parents paternels ou maternels. Il nous faut aussi les parents de vos grands-parents. Cela vous fait donc quatorze noms, prénoms, dates et lieux de naissance à nous fournir. Il est évident, attendu que nous ne mettons point en doute pour l'instant votre bonne foi mais que nous nous méfions terriblement des fausses ascendances, que ces messieurs les Juifs savent se procurer si facilement au moyen de leur argent et de la complicité de certains employés d'administration d'état civil, que nous nous réservons le droit de faire les enquêtes nécessaires afin de déterminer très exactement si vous êtes juif ou si vous ne l'êtes pas. Car si vous n'êtes pas juif, nous nous poserons la question pourquoi la publicité juive d'avant-guerre trouva le moyen de vous faire passer pour mort alors que vous ne l'étiez point, et qu'aujourd'hui elle vous fasse passer comme aryen alors qu'elle vous glorifiait comme étant une émanation artistique de la race élue. Car si vous l'êtes, l'opinion française se demande quelle peut être votre dose de culot pour réapparaître sur les planches, quelles sont les protections qui vous permettent de venir nous narguer du haut des tréteaux où vous n'avez absolument rien à faire. Enfin, dernière question :

Vous savez, monsieur Trenet, qu'il est médicalement prouvé que le sang juif n'a absolument rien de commun avec le sang aryen. Êtes-vous disposé à vous laisser faire une prise de sang de façon à permettre de se rendre compte si, malgré les états civils que vous seriez susceptible de présenter, il n'y aurait pas de votre part de maquillage comme cette chevelure blonde que l'on voit sur vos affiches et qui nous paraît si bien "oxygénée" ?

Monsieur Trenet, vous avez la parole.

* Pseudonyme de Jean Boissel (1891-1951) ; collaborateur notoire, il est condamné à mort en 1946, une sanction commuée en détention à perpétuité la même année.

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