AMIS COMME AVANT

Paroles Charles Trenet
Musique Charles Trenet
Interprète Charles Trenet
Année 1992 (inédit 1999)

Un piano-voix pour renouer avec un ami de jeunesse et échapper ainsi à "L'inquiétude / Que donne la solitude".

LETTRE DE CHARLES TRENET A CYPRIEN LLOANSI (13 octobre 1928, Berlin)
(Monsieur Trenet ; Richard Cannavo ; 1993 ; Editions Lieu Commun)

Cher Lloansi,

Excusez les fautes de français : ici je ne parle qu'allemand. Mais ce n'est pas dans l'oubli sans phrases. J'ai tort de ne pas vous avoir écrit plus tôt, je le reconnais, je m'en accuse, pardonnez-moi. Si je vous dis que la vie active d'ici empêche bien souvent d'écrire aux vieux amis, vous me répondrez que j'ai bien une petite minute dans la journée dont je puisse disposer pour penser à celui qui travaille là-bas, bien loin, dans les neiges de la Cerdagne. C'est vrai, eh bien cette minute, je la prends aujourd'hui. La voilà. Bonjour. Comment allez-vous ? Faites-vous de beaux vers sur vos impressions en Cerdagne ? Envoyez-moi quelque chose d'authentique, de vécu et de bien pensé. Donnez-moi des nouvelles du Roussillon. J'en ai bien par "Caffe", ce digne spirite, ce Victor Hugo des Odes et ballades, ce romantique échevelé toujours à la recherche vaine d'un empereur à mèche. Mais les nouvelles de "Caffe" sont bien vagues. Je voudrais savoir si les marronniers perdent déjà leurs feuilles, si les premières baraques de la foire se plantent çà et là sous les quelques dangereux platanes qu'il nous reste ? Si la femme du monument aux morts de Viollet a trouvé enfin un "chorycide" efficace et si le doux René dont l'œil mélancolique se suspend aux étoiles a terminé avec succès son service militaire. Rappelez-vous toutes ces choses, tous ces bons moments, évoquez-moi de joyeux souvenirs et ne m'envoyez plus de cartes comme celle à laquelle je réponds, de ces cartes susceptibles et fausses parce que je n'écris pas. Et puis ce n'est pas vrai, j'y pense moi à Lloansi, j'y ai pensé souvent même et j'ai revu le soir où, parti volontairement de la maison, après une course folle dans les petites rues neuves qui sentent le bon peuple, heureux, je suis allé me réfugier dans le bureau de la rue d'Alger où, déjà, était accrochée ma peinture à l'huile dans son cadre de julian, donnée la veille. J'ai pensé à Lloansi plus joyeusement encore.

C'était un soir d'avant carnaval, nous sommes allés engueuler la mère de Mas Valréal (Bains-Douches), crier chez le père Astruc, ce qui nous a valu un "Tas de voyous", lancé vigoureusement par la bouche musculeuse de la Rabbine. Le bruit ayant réveillé l'homme, vint Schlot, distributeur de coco, qui nous poursuivit en faisant résonner un sifflet bizarre. Nous débouchons place Arago : vite, un taxi ! Quel culot ! Puis, souvent j'ai revu ce Lloansi des tramways, celui qui ne voulait jamais que je paye les billets de loterie : "Celui qui aura le numéro le plus fort déboursera". Et, parfois ces discussions étaient agrémentées par la jambe fine de la petite Anvers si jolie pour quinze ans. Lloansi se souvient-il ? Oui, certainement. Ecrivez-moi bientôt si vous n'avez pas trop de travail. J'attends votre réponse. Je suis votre grand ami.

Le petit Charles.

Envoyez-moi des vers !

Nous contacter

Veuillez entrer votre nom.
Veuillez entrer un sujet.
Veuillez entrer un message.
Veuillez vérifier le captcha pour prouver que vous n'êtes pas un robot.