A LA PORTE DU GARAGE

Paroles Charles Trenet
Musique Charles Trenet
Interprète Charles Trenet
Année 1955

Une chanson-vie (ex.Papa pique et maman coud ; Ding ! Dong !) tendance mélo Belle époque avec humour second degré et accent catalan.

LES ROMANS-FEUILLETONS DE TRENET
(Monsieur Trenet ; Richard Cannavo ; 1993 ; Editions Lieu Commun)

En 1966, [Trenet] racontera : « J'avais dix-sept ans. Je faisais les claquettes (le clap) aux studios de Joinville. Je ne le faisais pas très bien. J'étais un peu distrait et puis je voulais voir si j'étais photogénique. Après chaque claquette, je faisais des expressions de visage dans la caméra et j'entendais toujours le metteur en scène qui criait : "Cachez-vous, mais cachez-vous !"

J'ai assisté ainsi, en tant qu'assistant, aux prises de vue du film Le Roi des resquilleurs et Le Roi du cirage sous la direction de Pierre Colombier. J'ai donc commencé par le cinéma avant d'écrire. Oh, j'écrivais en même temps que je regardais tourner les autres, j'écrivais des poèmes surtout, des articles de journaux aussi pour Le Coq catalan dont j'étais resté le correspondant parisien. J'écrivais aussi des romans feuilletons que je ne signais pas, songeant peut-être, à cette époque, qu'un jour on me reprocherait cette plume facile. Ces romans s'appelaient : Les Surprises du divorce, Nuit d'Espagne, Mille printemps...

Pour trouver un pseudonyme, j'avais si peu d'imagination que je confiai un jour à mon ami Vincent Bréchignac, alors journaliste à L'Intransigeant, le soin de me trouver un nom d'auteur qui sonne bien. Et il trouva le nom de Jacques Brévin, qui est une contraction de son propre nom.

- Cela vous a-t-il rapporté beaucoup d'argent ?

- Oui, assez pour offrir des cigarettes à mon entourage, car je ne fumais pas encore. Mais je peux vous confier que Nuit d'Espagne, roman-photo d'après un scénario de cinéma et illustré de nombreuses photographies, me rapporta la coquette et rondelette somme de 8 575 F ! »

Pierre Lhoste, excellent homme de radio fou de son métier, avait à l'époque effectué des recherches et retrouvé le scénario de ce fameux Nuit d'Espagne signé Jacques Brévin, alias Charles Trenet. Voici donc un court extrait de cette édifiante aventure :

« Robert, ce soir-là, était rentré plus tôt que d'habitude et ce fait si simple, si anodin en lui-même, avait fait battre exagérément le cœur d'Elsie. En venant au devant de lui alors que, calme et souriant comme toujours, il descendait de voiture, elle avait observé plus attentivement qu'à l'ordinaire l'expression de son visage. "Tu es souffrant chéri ? - Non." Il la serra fort contre lui. "Alors ? - Alors viens t'asseoir dans le salon, je vais t'expliquer." Ils s'installèrent côte à côte sur le large divan qu'encombraient d'innombrables coussins. Robert ne s'était pas départi de son immuable prévenance, mais cette attitude ne suffisait pas pour rendre à Elsie sa quiétude. Il versa un peu de whisky dans un grand verre, but à petites gorgées. Elle le pressa de questions : "Il y a quelque chose, Robert mon chéri ! Oh dis-le vite ! Je t'en supplie, ne le dis pas progressivement, ne me prépare pas avec douceur à supporter la nouvelle. Hein, qu'y a-t-il ? Nous avons perdu de l'argent ? Nous sommes ruinés ? Tu es sans situation ?" Robert, avec infiniment de tendresse, caressa les cheveux bouclés de sa femme. "Il s'agit en effet de ma situation, Elsie, mais plutôt que de m'en plaindre j'ai tout lieu de me réjouir de ce qui m'arrive. - Tu pars ? - Oui, ma poupée." Elle détourna la tête, et resta un moment silencieuse. "Et tu m'emmènes ?" Le visage de Robert se fit plus grave. Elsie, lentement, leva vers lui ses grands yeux, et il y lut une prière, une supplique. "Il faut que tu comprennes, que tu comprennes bien, ma petite chérie Elsie. Quand M. Esquirre m'a fait appeler cet après-midi à son bureau, qu'il m'a dit presque paternellement : 'Maurice, c'est vous qui êtes désigné pour partir aux Indes', je lui ai tendu la main et l'ai remercié avec effusion. Mais j'ai senti au même moment que des larmes me montaient aux yeux. Je comprends ton étonnement, Elsie, je n'ai pas voulu te parler de ce poste aux Indes parce que rien n'indiquait que je serais choisi... - Mais pourquoi ne veux-tu pas m'emmener, Robert ? - Impossible, chérie, il s'agit d'un travail de galérien, de mines à prospecter, d'une vaste organisation à mettre sur pied. Comment te décrire la vie là-bas ? Les voyages interminables à dos de mulet à travers des pays inconnus, perdus dans les montagnes, sous un soleil torride et implacable. L'expédition s'en va au petit jour dans des régions incultes, sans routes, cherchant les étapes au hasard et la nourriture lorsqu'elle se trouve. Comment pourrais-je t'emmener ? Je n'aurais jamais le loisir de m'occuper de toi et à chaque instant je serais tracassé d'inquiétude à ton sujet. - Mais d'autres ingénieurs pourtant emmènent leur femme avec eux ? - Mais dans les villes et les grands centres peut-être. Dans la brousse, jamais ! J'ai beaucoup réfléchi, Elsie, je donnerais gros pour que tu puisses m'accompagner, mais vraiment c'est impossible ! Car ce voyage est une épreuve que je n'ai pas le droit de t'imposer. - En es-tu bien sûr ? - Absolument, crois-moi, Elsie chérie... - Mais que vais-je devenir sans toi ? - Mais pour ça ne t'inquiète pas, j'y ai pensé comme tu dois bien t'en douter. Tu feras toi aussi tes bagages en même temps que moi. - Ah !... - Tu vas partir toi aussi et réaliser l'un de tes rêves : vivre à Paris ! Oui, tu m'attendras à Paris ! Ainsi le temps te semblera moins lent. Qu'en dis-tu ?" Elle ne répondit pas tout d'abord. » (Fin de l'épisode)

A la lecture de cette pathétique aventure on peut, sans craindre de le blesser, affirmer que Charles n'a pas eu tort de prendre un pseudonyme !

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