B. Lavilliers / Etat d'urgence

Si l'album Nuit d'amour baignait déjà dans le noir, le suivant, Etat d'urgence, le neuvième de Lavilliers, est sans doute le plus tourmenté qu'il ait écrit, conséquence du désarroi (si ce n'est de la dépression) causé par la rupture avec Lisa Lyon (cf. Nuit d'amour) : le personnage de l'aventurier intrépide et les professions de foi anarchistes y disparaissent presque complétement pour laisser place aux confidences douloureuses d'un homme brisé. Celles-ci commencent dès la chanson éponyme, qui ouvre le disque : sur un rock enfiévré, Lavilliers se dit d'emblée "Seul / Sous un ciel minéral" et "Au bord du précipice", pour en arriver à évoquer à mots à peine couverts ses envies de suicide ("Je vais dormir enfin dans cet hôtel sordide / J'ai passé la journée à choisir le calibre"), tandis que des visions d'horreur hantent le cœur de la chanson, notamment dans un couplet parlé, où il est question du "grand marché aux gays aux confins de Soho / Enchaînés dans des cages et vendus chaque nuit / Conduits par un nabot aux ongles vernis".