ATTENDU

Paroles René Laporte
Musique Bernard Lavilliers
Interprète Bernard Lavilliers
Année 2008

Vingt ans déjà que Lavilliers n'avait pas mis de poème en chanson (cf. If... et Promesses d'un visage). L'album Samedi soir à Beyrouth lui permet de renouer avec le genre grâce à Attendu que (difficile de juger), un texte de René Laporte, dont il simplifie le titre et modifie un certain nombre de vers. Le principal changement concerne cependant la deuxième strophe, dont l'adaptation supprime les quatre premiers vers et transforme les quatre derniers (largement remaniés eux aussi) en refrain. Quant à la thématique de la chanson, elle est d'un pessimisme rare dans l'œuvre de Lavilliers, qui semble reconnaître, comme dans Solitaire, que la lutte contre les maux du monde est perdue d'avance en reprenant à son compte la fin du poème : "Je finirai aussi par tomber dans la boue / Pour soigner par le mal, le mal inévitable".

ATTENDU QUE (DIFFICILE DE JUGER)
(René Laporte ; entre 1945 et 1954)

Attendu que le monde est fabricant de boue
Que les genoux de l'homme en sont noirs dès qu'il tombe
Ou qu'il regarde Dieu toujours propre et debout
Et que Dieu l'a voulue cette boue sur le monde
Que même le soleil est fier d'avoir des taches
Attendu que le ciel cultive ses typhons
Qu'il n'y a plus de bonnes ou mauvaises saisons
Qu'on secoue les volcans endormis pour qu'ils crachent.

Attendu que l’oiseau n’est plus libre du bleu
Que nous l’y dépassons pour la chasse aux nuages
Et qu’au fond de la mer nous apportons le feu
Disputant aux poissons leur part dans les naufrages
Attendu qu’à la mort, rapide sans cela,
Nous offrons la vitesse à vitres transparentes
Que nous ouvrons le vent, le vide et l’au-delà
Pour rejoindre avant terme un néant qui nous hante.

Attendu qu'une guerre ou deux suffisent mal
A étancher la soif que nous avons de haine
Que notre sang se donne à tout meurtre légal
Que nous sommes esclaves amoureux de nos chaînes
Attendu que pour rien mes amis sont tombés
Qu'on a prêté serment sur des villes détruites
Que le ciment nouveau est déjà lézardé
Que déjà le malheur court à notre poursuite.

Mais attendu aussi que je crois à mes rêves
A ma dernière peau - c'est trop tard pour la mue
A mon dernier amour - trop tard pour la relève
A mon dernier poème - au dernier verre bu
Attendu tout cela - attendu rien du tout
Ne sachant si je suis le juge ou le coupable
Je finirai aussi par rouler dans la boue
Pour soigner par le mal, le mal inévitable.

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