LES ROSES ET LES ÉPINES

Paroles Charles Trenet
Musique Johnny Hess
Interprètes Charles et Johnny
Année 1934

Des variations sur les hauts et les bas de la vie qui se révèlent être, au bout de deux minutes, une chanson publicitaire.

LA PUBLICITÉ : UN INTÉRÊT ENJOUÉ
(Monsieur Trenet ; Richard Cannavo ; 1993 ; Editions Lieu Commun)

Il n'est que Johnny Hess pour se plaindre de la diversité des activités de Charles : il y a ce répertoire à mettre sur pied et Johnny, lui, ne perçoit aucune allocation. Ce qui lui est d'autant plus pénible qu'en plus de sa personne il doit subvenir aussi aux besoins de sa mère et payer en outre les études que, scrupuleusement, il suit à l'école de commerce. Cet état de pénurie va pousser les deux compères à se tourner vers des travaux pseudo-musicaux autant que pseudo-poétiques : l'élaboration de messages publicitaires radiophoniques. Les premiers à entendre Charles et Johnny, sans savoir naturellement qui ils sont, seront les auditeurs de la station chère à Marcel Bleustein-Blanchet : Radio-Cité.

« Avec Johnny, racontait Charles Trenet en 1983, quand nous nous rencontrons, nous nous amusons encore de ces publicités que nous avons écrites. Nous en avions trouvé de très amusantes. Les fameux chapeaux nous font toujours beaucoup rire. C'était : "Les bonheurs humains sont parfois peu de chose / Un sourire d'enfant, le parfum d'une rose / Un rendez-vous charmant dans un décor nouveau / C'est le printemps que l'on salue de son chapeau / Un chapeau Sools bien entendu / C'est un chapeau Sools qu'on vous a vendu." Nous avons fait aussi de nombreuses campagnes pour un fourreur qui s'appelait, qui s'appelle d'ailleurs toujours Brunswick, et pour des marques de lessive. Chaque mois apparaît une lessive qui est toujours meilleure que les autres, et ça dure comme ça depuis quarante-cinq ans ! Il y a aussi le thé des Familles, qui était très amusante :

"Messieurs, Mesdames et vous Jeunes Filles / Si vous voulez vous bien porter / Pas de santé sans thé des Familles / Non pas de santé sans ce thé. Non pas de santé (ter) / Sans ce thé / Non pas de santé sans ce thé (bis) des Familles." Ou encore Lévitan : "Chéri quand nous serons mariés / Vous aurez des plaisirs variés / L'amour et la fortune / Ou vous irez décrocher la lune / Et nous serons heureux longtemps / Dans nos meubles de chez Lévitan." »

Toutes ces publicités sont scandées d'une voix de tête et sur un rythme de swing, comme on disait alors. Elles sont payées 500 F, ce qui n'a rien d'énorme mais qui arrange bien les fins de mois. Mais surtout, elles sont l'occasion de nouvelles rencontres : c'est à Radio-Cité que Charles fera la connaissance de Robert Desnos, employé à la publicité, lui aussi, et qui lui a dédicacé tous ses livres, et en particulier le dernier, beaucoup plus tard, auquel Charles tient tout particulièrement ; le poète des Chantefables et de « Night of Loveless Nights » y a écrit : « En espérant vivre assez longtemps pour entendre toutes vos chansons. » Quelques mois plus tard, un infirmier tchécoslovaque recueillait son dernier poème adressé à sa femme : « Il me reste d'être ombre parmi les ombres... » sur un grabat du camp de concentration de Tereszin.

C'est à Radio-Cité encore que Charles Trenet rencontre Armand Salacrou qui, lui, a la particularité d'écrire des messages publicitaires pour une marque appartenant à sa famille : la Marie-Rose, « la mort parfumée des poux ». Un petit air qui devait susciter chez Charles, bien des années plus tard, la manie des publicités parodiques, ou doubles. Ainsi une affaire criminelle célèbre et qui le passionnait, l'affaire Marie Besnard, l'empoisonneuse de Loudun, lui inspirera la formule « le thé Marie Besnard, la mort parfumée de l'époux ». Par souci de faire économiser de l'argent aux annonceurs, il créera encore des messages fous du style : « Grâce à Colgate, vos dents auront la blancheur Persil » ou bien, plus bête encore, à propos d'une crème dépilatoire : « Taki enlèvera vos poils superflus, sauf les poêles Godin ». Charles Trenet est d'ailleurs resté un grand amateur de publicités, surtout télévisées, et l'avoue en riant très fort (« Fidèle », France Inter, 1983) :

« J'aime beaucoup la publicité, même si je trouve qu'actuellement elle devient un peu terne. Il y a cinq ou six ans, elle était parfaite. Il y avait celle du biscuit qui craque et qui fait tout s'effondrer, provoque un tremblement de terre et fait perdre une bataille à Napoléon. Autant de choses complétement insensées et très jolies. Maintenant, je trouve qu'elle est trop encombrée de bébés. Les enfants devraient rester chez eux à regarder tranquillement la télévision, et y passer beaucoup moins souvent. Toutes ces fausses mères avec leur fausse tendresse qui embrassent ces bébés qui sont vrais, c'est épouvantable. L'intérêt de la publicité réside pour moi dans la possibilité de changer la valeur d'un mot pour lui en donner un autre, c'est-à-dire de le dépayser, de le transformer en calembour, ce qui est un procédé un peu surréaliste. Je n'aime d'ailleurs que les calembours poétiques. Il y en a parfois qui sont si bêtes qu'ils deviennent poétiques... »

Nous contacter

Veuillez entrer votre nom.
Veuillez entrer un sujet.
Veuillez entrer un message.
Veuillez vérifier le captcha pour prouver que vous n'êtes pas un robot.