DE LA FENÊTRE D'EN HAUT

Paroles Charles Trenet
Musique Charles Trenet
Interprète Charles Trenet
Année 1947 (inédit 1948)

De la fantaisie primesautière des trois premiers couplets (marqués par des échos de Quand un facteur s'envole) au sérieux et au conformisme des deux derniers (l'aspiration à une "vie simple et tranquille" en famille et sous les auspices de la religion) : une chanson qui résume l'itinéraire qui a mené Trenet du Fou chantant au chanteur-poète bourgeois.

LA VRAIE JEUNESSE
(Derniers poèmes en vers et en prose ; Max Jacob ; 1945 ; Editions Gallimard)

I

L'enfance demeure la dernière au fond de l'homme qui s'éteint.
Le poète-enfant demeure un renaissant matin.
Ombre de moi qui fus, reconnais-tu mes ombres ?
J'entends mes cris jadis de haine ou de triomphe.
Ombres de moi ! je vois le jeune homme au rocher
abrité par ses pleurs contre le crépuscule.
A la main : une canne ayant beaucoup marché,
un crayon bon marché, un coin de papier bulle.
Est-ce vous ? Est-ce moi ? il était de Bretagne,
pays qui tient du prêtre et du Tzigane !
En me rencontrant tout à coup, je m'écoute palpiter d'aise.
Reconnais-toi ! le même enfant de la falaise !

II

Et toi, belle inconnue, ô Loire,
reconnais mon âme éternelle à ses moires.
Reconnais ta même jeunesse à l'aurore des champs velus, gris et dorés.
Reconnais ton âme, la même, au silence par le soleil évaporé,
à la paix d'un bouquet de feuilles où l'humide fleur a souri
à la vigne dans la ruelle d'un humble mur de terre cuite.
Reconnais ton âme à la fuite
de Daphné qu'Apollon poursuit.

III

La verdure était souriante comme au matin de l'Angélus
quand à Marie Immaculée parla Gabriel, ange élu.
Les oiseaux s'alarmaient dans le temple des arbres,
quatre bornes au pont de pierre où je m'attarde.
Rien de plus mystérieux que votre écume sur vos amours, ô peupliers !
Or à la côte où brille, ô Loire, ton blason,
s'échappa du ciel de gloire un chœur de filles et de garçons ;
cela montait, noble et tragique, et se liait ;
des nuées d'argent s'étaient muées en bicyclettes,
un bouquet bisexué de cycles au soleil :
Ophélies de quinze ans, vêtues de leurs raquettes,
athlètes Roméos, encadrés par les feuilles,
les bras et les cous nus chantaient comme en exil,
les cheveux grecs brillaient ainsi que des comètes
et les bouches sauvées comme un sourire d'avril.
L'Olympe descendit la côte et disparut.
Ombre de moi qui fus, reconnais-tu mes ombres ?
Imbécile rêveur, t'es-tu bien reconnu ?
Je me levais sans m'attrister de mes décombres.

IV

Ahasvérus , mon nom ! mon lieu, Jérusalem ;
Ahasvérus est plus vieux que Mathusalem.
L'esprit qui veille en nous est encore plus ancien.
Descendant vers la mort c'est Dieu que l'on atteint.
Or, Il est le printemps, la fleur et le pépin !
Le vieillard est à soi ; la jeunesse, à qui l'aime.
Et couverte d'amour comme de sûres branches
elle met son rêve et ses jours hors d'elle-même.
Son visage est aveugle et sa lèvre est béante.
Le Temps donne au vieillard le mot, le mot de passe
de l'amour vu de loin qui croît, décroît et passe.
Plus de regards anxieux, de noirs frémissements.
Nuage, enseigne-moi la douceur du cilice !
Ah ! si l'on voyait nu et sous les vêtements
mon corps tout doucement transformé en calice !
L'entonnoir de mon front est rempli de rayons
depuis qu'un tisonnier de la révélation
tenu par le Sauveur a marqué ma poitrine.
Va dire à ton prochain qu'elle est une pauvresse
sans Dieu ! la fébrile jeunesse !
Sur mes lèvres, sans vous ! Seigneur, c'est la famine.

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