RETOUR A PARIS

Paroles Charles Trenet
Musique Charles Trenet
Interprète Charles Trenet
Année 1947

Une des nombreuses chansons que Trenet a consacrées à Paris. Ecrite au retour d'un des premiers séjours de l'auteur en Amérique et marquée, comme Ménilmontant (dont elle a également héritée de "la petite gare"), par la figure de la mère ("Roulant joyeux / Vers ma maison de banlieue / Où ma mère m'attend"), Retour à Paris réussit à faire oublier les extases convenues ("Mon Dieu que tout le monde est gentil / Mon Dieu quel sourire a la vie" ; "Tous ces braves gens / De La Varenne et de Nogent") du chanteur-poète bourgeois par un angélisme dont Trenet est le seul à détenir le secret : qui d'autre pourrait chanter "Je suis un enfant / Rien qu'un enfant tu sais / Je suis un petit Français" sans sombrer dans le ridicule ?

TRENET ET SA MÈRE
(Monsieur Trenet ; Richard Cannavo ; 1993 ; Editions Lieu Commun)

Un étonnant personnage que cette femme de caractère qui, entre les deux guerres, dans une petite agglomération de notables comme Narbonne, n'hésite pas, épouse de notaire, à prendre un amant en ville, une espèce de bohème un peu hâbleur, brillant et plein de verve et coureur de jupons, puis à le suivre dans une errance aux quatre coins du globe, au grand désespoir du petit Charles livré à la déprime rampante d'un pensionnat.

Cet abandon, sans doute, les aura marqués autant l'un que l'autre. Parce qu'il faut bien dire que si Charles Trenet n'a jamais tourné le dos à sa mère, s'il a pris soin d'elle jusqu'à son dernier souffle, elle-même est, par la suite, demeurée dans l'ombre de son fils devenu star, présence attentive et discrète, ô combien aimante ! En fait, Marie-Louise Caussat-Trenet commence à racheter les années perdues le jour où, rassemblant ses économies, elle entreprend d'installer dans ses meubles son Charles encore adolescent, qui vient tout juste de débarquer à Paris et qui vit alors dans un hôtel un peu louche.

Par la suite, lorsque Charles sera devenu célèbre ils ne se quitteront plus, au point que certains, dans leur entourage, n'hésitent pas à évoquer aujourd'hui la présence « un peu envahissante » de celle qui pour le « fou chantant » était un peu Jocaste. En réalité Charles et sa mère forment un couple terrible, ils se disputent tout le temps mais ne peuvent pas se passer longtemps l'un de l'autre. Pour qu'elle soit plus proche encore Charles lui installe un petit pavillon donnant sur la Marne, dans sa propriété de La Varenne. Elle y vient très souvent... et repart invariablement furieuse, pour des raisons toujours futiles.

Des années durant, presque leur vie entière, ils ne se quitteront plus. C'est au point que jusqu'à la mort de sa mère, et même au plus fort de sa gloire, lorsqu'il est réclamé dans le monde entier, Charles ne signera jamais un contrat sans s'être assuré au préalable qu'il pourra s'échapper au moins tous les trois mois pour revenir en France l'embrasser ! Une fois seulement il restera bloqué six mois au Canada : ne pouvant rejoindre Narbonne, il exige que sa mère fasse le voyage !

« Sa mère était très belle et elle avait sur lui une emprise énorme, raconte Mme Breton. Il l'adorait, mais elle l'énervait aussi quelquefois, parce qu'il fallait toujours qu'elle sache tout, parce qu'elle voulait toujours se mêler de tout. Lorsqu'elle n'avait pas de nouvelles de lui pendant plus de huit jours, elle lui écrivait de longues, de très longues et belles lettres. C'était très beau dans leur vie à tous les deux, c'était quelque chose de très émouvant... »

Ils forment un couple terrible, oui, et orageux. Ils n'ont pas vingt ans de différence d'âge et, menue, extrêmement coquette, Marie-Louise ne paraît pas la mère de ce grand gaillard exubérant : ils sont, en fait, plus un frère et une sœur qu'un fils et sa mère. En réalité elle est au centre de sa vie. Avec elle, Charles a des souvenirs - souvenirs de vacances, de maisons, souvenirs d'enfance.

Il a d'autant plus souffert jadis de se sentir abandonné qu'elle avait su se rendre irremplaçable aux yeux de l'enfant ultra-sensible qu'il était. Et puis, elle a été celle qui, la première, a écouté les chansons des duettistes Charles et Johnny, tout comme elle sera, par la suite, toujours la première lectrice des manuscrits de son fils, et sa première auditrice.

N'empêche : ils s'aiment et se déchirent dans d'épouvantables colères, à l'image d'un vieux couple. Inconsciemment sans doute Charles lui en veut de son abandon d'autrefois.

Et puis sa mère a sans conteste suscité en lui une espèce de sourde misogynie... Parce que, dans un élan classique, Marie-Louise Caussat-Trenet a voulu redevenir, sur le tard, la mère irréprochable qu'elle avait oublié d'être, et elle en a certainement trop fait. A ses yeux, Charles est toujours demeuré le petit garçon de jadis qu'elle n'avait pas vu grandir. En fait, mère possessive et quasi abusive, elle ne l'a jamais vu adulte, et elle l'a trop couvé... Jusqu'aux dernières années elle a probablement conservé en elle l'image idéale de la mère protégeant son petit, et là encore Charles lui en voulait sans doute inconsciemment, lui qui avait tant de mal déjà à grandir par lui-même !

Aussi, en 1955, elle écrivait :

« J'ai été voir mon petit, incognito, à l'Olympia. Dans ce bel homme transfiguré par les projecteurs de la scène, je retrouvais le poupon. Mais j'étais seule à le savoir. J'avais envie de lui crier : "Tu gesticules trop, tu vas prendre un chaud et froid !" Vous savez, une maman, ça ne réfléchit pas ; ça ne parle qu'avec son cœur... »

De son côté Emile Hebey, l'imprésario de toute une vie, disparu en 1983, disait :

« La mère de Charles était une femme extrêmement intelligente. Elle est demeurée auprès de son fils le plus longtemps possible. Trenet a été très gentil avec elle, il s'est occupé d'elle, beaucoup. Jamais je ne l'ai entendu dire un mot désagréable sur sa mère. Mais il me disait aussi : "Vous savez, Emile, j'ai eu avec elle tous les désagréments du mariage, et je n'en ai aucun avantage... On me demande, parfois, pourquoi je veux l'envoyer ailleurs quand je vais débuter à Paris. Ce n'est pas parce que je ne l'aime pas. Mais comment voulez-vous que je sois bien devant 2 000 personnes que je domine (car il faut bien les dominer !) quand quelqu'un vous dit, à la sortie : 'Fais attention, Charles, ne prends pas froid, mets ton cache-nez et prends une pastille' ? Ce n'est pas possible!"

C'est vrai que ce n'est pas possible ! Et c'est la raison pour laquelle Trenet ne s'est jamais marié. En fait, sa mère jouait ce rôle de la compagne attentive... »

Ce que confirme un ami de la famille : « C'est vrai qu'elle se comportait avec lui comme avec un petit garçon, n'hésitant pas à critiquer sa façon de s'habiller ou de manger, sa propension à se lever tard ou à grossir, sa manière de vivre ou de meubler sa maison, etc. Quand elle avait quatre-vingt-sept ans, Gaston Bonheur disait encore : "Ils forment un couple terrible, c'est vraiment Jocaste et Œdipe..." »

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