FLEUR BLEUE

Paroles Charles Trenet
Musique Charles Trenet
Interprète Charles Trenet
Année 1937

A l'opposé de "la Fleur bleue", symbole de l'amour qui unit à jamais dans le mouvement romantique du XIXè siècle (mais aussi de la poésie, ce qui cette fois n'est pas en contradiction avec la chanson), la Fleur bleue de Trenet exalte dans la splendeur des mots et des cuivres les "Amourettes passagères / Joies, peines de cœur légères" qui enflamment les adolescents aussi rapidement que de façon éphémère. Un thème déjà omniprésent dans le répertoire de Charles et Johnny (ex.Les feux de la Saint-Jean ; Un petit béguin pour le dimanche) mais que Trenet reprend ici dans le grand élan créateur de ses débuts en solo.

LE RÊVE D'HENRI
(Henri d'Ofterdingen ; Novalis ; 1802)

Le jeune homme se perdit peu à peu en de douces visions et s’endormit. Il rêva d’abord de distances infinies, de contrées sauvages et inconnues. Il marchait, traversant des mers avec une facilité incompréhensible ; il vit des animaux étranges ; il vécut avec des hommes de races diverses, tantôt en guerre, dans des tumultes effrénés, tantôt dans de paisibles cabanes. Il connut la captivité et la plus noire détresse. Tous les sentiments s’exaltèrent en lui jusqu’à un degré qu’ils n’avaient jamais atteint. Il vécut une existence infiniment mouvementée, mourut et revint à la vie, aima d’une passion poussée jusqu’à l’extrême, et fut ensuite séparé, pour l’éternité, de celle qu’il aimait… A l’approche du matin, lorsque au-dehors l’aube se mit à poindre, le calme revint enfin dans son âme, les images se firent plus nettes et plus stables. Alors il lui sembla qu’il marchait seul dans une forêt obscure. Le jour ne perçait qu’à de rares intervalles le vert réseau du feuillage. Bientôt il arriva devant une gorge rocheuse qui montait à flanc de coteau. Il lui fallut escalader des blocs couverts de mousse qu’un ancien torrent y avait entraînés. A mesure qu’il grimpait, la forêt s’éclaircissait. Il parvint enfin jusqu’à une verte prairie qui s’étendait au flanc de la montagne. Au-delà de cette prairie s’élevait une falaise abrupte, au pied de laquelle il aperçut une ouverture qui semblait être l’entrée d’une galerie taillée dans le roc. Il suivit un certain temps ce couloir souterrain qui le conduisit sans difficulté vers une grande salle d’où lui parvenait de loin l’éclat d’une vive clarté. En y entrant, il vit un puissant jet d’eau qui, paraissant s’échapper d’une fontaine jaillissante, s’élevait jusqu’à la paroi supérieure de la voûte et s’y pulvérisait en mille paillettes étincelantes qui retombaient toutes dans un vaste bassin ; la gerbe resplendissait comme de l’or en fusion ; on n’entendait pas le moindre bruit ; un silence religieux entourait ce spectacle grandiose. Il s’approcha de la vasque qui ondoyait et frissonnait dans un chatoiement de couleurs innombrables. Les parois de la grotte étaient embuées de ce même liquide qui n’était pas chaud, mais glacé, et n’émettait sur ces murailles qu’une lueur mate et bleuâtre. Il plongea sa main dans la vasque et humecta ses lèvres. Ce fut comme si un souffle spirituel le pénétrait : au plus profond de lui-même il sentit renaître la force et la fraîcheur. Il lui prit une envie irrésistible de se baigner : il se dévêtit et descendit dans le bassin. Alors il lui sembla qu’un des nuages empourprés du crépuscule l’enveloppait ; un flot de sensations célestes inondait son cœur ; mille pensées s’efforçaient, avec une volupté profonde, de se rejoindre en son esprit ; des images neuves, non encore contemplées, se levaient tout à coup pour se fondre à leur tour les unes dans les autres et se métamorphoser autour de lui en créatures visibles ; et chaque ondulation du suave élément se pressait doucement contre lui, comme un sein délicat. Le flot semblait avoir dissous des formes charmantes de jeunes filles qui reprenaient corps instantanément au contact du jeune homme.

Dans une ivresse extatique, et pourtant conscient de la moindre impression, il se laissa emporter par le torrent lumineux qui, au sortir du bassin, s’engloutissait dans le rocher. Une sorte de douce somnolence s’empara de lui, et il rêva d’aventures indescriptibles. Il en fut tiré par une nouvelle vision. Il se trouva couché sur une molle pelouse, au bord d’une source qui jaillissait et semblait se dissiper en l’air. Des rochers d’un bleu foncé, striés de veines de toutes couleurs, s’élevaient à quelque distance ; la clarté du jour qui l’entourait était plus limpide et plus douce que la lumière habituelle ; le ciel était d’azur sombre, absolument pur. Mais ce qui l’attira d’un charme irrésistible, c’était, au bord même de la source, une Fleur svelte, d’un bleu éthéré, qui le frôlait de ses larges pétales éclatants. Tout autour d’elle, d’innombrables fleurs de toutes nuances emplissaient l’air de leurs senteurs les plus suaves. Lui, cependant, ne voyait que la Fleur bleue, et il la contempla longuement avec une indicible tendresse. Il allait enfin s’en approcher quand elle se mit soudain à tressaillir et à changer d’aspect ; les feuilles devinrent plus brillantes et se serrèrent contre la tige qui s’allongeait ; la fleur s’inclina vers lui et les pétales formèrent en s’écartant une collerette bleue où flottait un visage délicat. Son doux émerveillement croissait à mesure que s’accomplissait l’étrange métamorphose, — quand tout à coup la voix de sa mère l’éveilla : il se retrouva dans la chambre familiale que doraient déjà les rayons du matin. Il était trop enchanté pour prendre humeur de ce contretemps ; au contraire, il dit un aimable bonjour à sa maman et lui rendit son embrassement affectueux.

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