AU CŒUR DE LA NUIT

Paroles Barbara
Musique Barbara
Interprète Barbara
Année 1966

La première chanson où Barbara évoque clairement, même si personne ne l'a compris à l'époque, la relation incestueuse avec son père. Au cœur de la nuit prend la forme d'un rêve ("J'allais à demi éveillée / Longeant une allée obscure / J'allais à demi éveillée / Guidée par l'étrange murmure") où passé et présent se confondent ("J'ai le souvenir d'une nuit / Une nuit de mon enfance, / Toute pareille à celle-ci / Une longue nuit de silence") et où les métaphores ("Il y eut, je me le rappelle / Surgissant de l'allée obscure / Il y eut un bruissement d'ailes / Là, contre ma figure") confient que le traumatisme est toujours là et que le fantôme du père continue à hanter. Entre frayeur et amour, la chanteuse s'interroge d'abord sur l'identité du revenant, avant de le reconnaître et de s'engager à lui apporter la paix au-delà de la mort ("S'il le faut j'irai encore / Tant et tant de nuits profondes / Sans jamais revoir l'aurore / Sans jamais revoir le monde / Pour qu'enfin tu puisses dormir / Pour qu'enfin ton cœur se repose / Que tu finisses de mourir / Sous tes paupières déjà closes").

L'INCESTE
(Barbara Portrait en clair-obscur ; Valérie Lehoux ; 2007 ; Editions Fayard / Chorus)

En 1998, un an après la mort de Barbara, les éditions Fayard publient ses mémoires inachevés. Le grand public découvre, stupéfait, son histoire tourmentée.

« Un soir, à Tarbes, mon univers bascule dans l'horreur. » Tarbes, 1941. Monique a onze ans. Pour la première fois depuis le début de la guerre, la famille entière est réunie. Jacques est rentré du front, démobilisé. Mais ce n'est plus le même homme. Ce n'est plus ce père rempart qui prenait sa fille dans ses bras devant une école de Poitiers. Jacques est devenu sévère, étrange, étranger. « Je trouve que son comportement devient bizarre. Souvent, il me répète que ma mère préfère mon frère. Je pense que c'est vrai et j'en souffre d'ailleurs beaucoup. Le soir, lorsque j'entends claquer le grand portail vert et les pas de mon père résonner dans la cour, je me prends à trembler. »

Barbara fut une petite fille apeurée devant un père terrorisant

« Les enfants se taisent parce qu'on refuse de les croire.
Parce qu'on les soupçonne d'affabuler.
Parce qu'ils ont honte et qu'ils se sentent coupables.
Parce qu'ils ont peur.
Parce qu'ils croient qu'ils sont les seuls au monde avec leur terrible secret. »

Monique a adoré son père, puis elle l'a détesté. Haine, peur, culpabilité, honte ; tourbillon qui bouscule tous les enfants abusés. Dans son livre, jamais le mot « inceste » n'apparaît, mais tout le monde l'entend, évidemment. Il est d'autant plus probable que, dans sa vie d'adulte, elle en parla de temps en temps.

Enfance saccagée.

C'est aussi à Tarbes, là où son univers « bascule dans l'horreur », que la fillette a rencontré sœur Anne-Marie, la religieuse plus tard installée près de Bordeaux et qui répondait presque immanquablement à tous ceux qui lui demandaient pourquoi elle connaissait si bien la chanteuse : « Je ne peux pas raconter. » Une fois, pourtant, la religieuse a bien voulu lâcher quelques bribes de l'histoire : elle a confié qu'à Tarbes, pendant la guerre, elle s'était occupée d'une petite fille blessée à la poitrine.

Un jour d'été, en 1946, Monique décide de rompre le silence. Les Serf passent leurs vacances en Bretagne. Elle, échappe à l'étau paternel : « Je n'en peux plus. » Elle part, marche, fuit, comme durant les années de guerre. Elle a seize ans. Elle marche pour reprendre son souffle, et ses pas la conduisent jusqu'à la gendarmerie. Elle raconte. Que dit-elle exactement ? Le gendarme l'écoute, mais ne la croit pas. « Il faut rentrer chez vous, mademoiselle. » Son père vient la chercher.

« Je le hais. »

Personne n'a entendu, mais Monique s'est révoltée. Elle a existé, résisté. Et c'est important. Quelques semaines plus tard, une autre révolte lorsque Hava, la grand-mère chérie, s'éteint à Paris. Aussitôt Esther s'en va. « Je supplie mon père de me laisser rejoindre ma mère. Il refuse. Je menace, je hurle ; cette violence lui fait peur. Je pars. »

Année colère, année charnière. Dans sa vie d'enfant, il y eut un avant et un après Tarbes ; dans sa vie d'adolescente, il y eut un avant et un après 1946. C'est à partir de ce moment-là que les choses vont lentement changer.

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