B. Lavilliers / CLN

Nanar aime les livres, autant sans doute que ses maîtres d'aventures, la plupart auteurs au demeurant. Mais, allez savoir pourquoi, il ne supporte pas l'idée du moindre livre sur lui. Il ne vaut pas tripette à ses yeux, celui de Dominique Lacout, en 1997, qui se permet de l'accompagner, malheureusement sans trop de distance, dans sa panoplie de parfait aventurier. Pas plus que celui de Gert-Peter Bruch, en 2005, un très beau livre d'images pourtant, aux photos-légendes nourries d'une abondante revue de presse que vient compléter utilement le précieux témoignage de quelques musiciens historiques du chanteur. Deux livres seulement pour quarante années d'un fol itinéraire... Combien sont-ils les prétendants biographes qui ont abdiqué en cours de chemin, dissuadés, découragés par l'artiste ? En 1987, les éditions Seghers et la journaliste Michèle Wathelet (1) font état d'un Bernard Lavilliers à paraître, n° 48 (2) de la prestigieuse collection « Poésie et chansons », dont les premiers volumes furent consacrés à Léo Ferré, Georges Brassens et Jacques Brel. Annonce argumentaire envoyée par l'éditeur aux rédactions et premier papier dans Le Quotidien de Paris. Qui accuse un formel démenti de l'artiste en personne : « Si des pourparlers ont eu lieu en 1982, il n'est depuis lors question d'aucune publication. » Selon Seghers, le chanteur n'est pas d'accord avec certains points de présentation. Le manuscrit est en conséquence modifié et de nouveau entre les mains de Lavilliers. En pure perte : le livre ne sortira jamais...

C'est dire si la parution du livre-disque L'Or des fous fait, par défaut, office d'événement. Certes, ce n'est pas un écrit sur Lavilliers... et cette BD, qui ne s'inscrit même pas dans une collection, a tout pour flatter l'intéressé, qui se fend d'ailleurs sans mal d'un début d'histoire sur L'Or des fous en guise de préface. Collectif, l'ouvrage est réalisé par une pépinière de jeunes talents, avec la participation malgré tout de Vicomte (l'auteur, avec Makyo, de La Ballade du bout du monde), de Dany (papa d'Olivier Rameau, mais aussi d'émoustillantes bandes fort coquines) et du maître incontesté qu'est Moebius. Le monde de Lavilliers en BD ? Presque de la redondance, comme il le dit lui-même : « Il y a énormément d'images dans mes chansons. » Une matière foisonnante où chaque dessinateur a puisé selon son envie : polar, exotisme, aventure, conte onirique ou pure stimulation musicale. Il est fort intéressant au demeurant, presque fascinant, de voir comment ces artistes du pinceau s'essaient à restituer l'âme et l'univers haut en couleurs de notre héros. Et cela devient surréaliste lorsque Mourier transpose à sa façon Fortaleza, elle-même tirée à l'évidence, nous l'avons vu, de mémorables cases de Hugo Pratt : les petits Mickeys se mordent la queue...

L'ouvrage est serti d'un CD compilant, dans l'ordre exact de la pagination, l'ensemble des chansons retenues. A l'origine, L'Or des fous devait d'ailleurs être l'intitulé du nouvel album de Lavilliers. Finalement, l'opus qui sort au printemps 2001 et s'ouvre par la chanson inédite portant ce titre, L'Or des fous, se nomme Arrêt sur image.

(1) Michèle Wathelet, alors journaliste à la RTB, à Liège, fut l'auteur, avec Lucien Rioux, du Jacques Higelin publié dans la collection « Poésie et chansons ».

(2) Le numéro 48 de cette collection sera finalement attribué au Boby Lapointe de Jacques Donzel.