IF...
Paroles | André Maurois (d'après Rudyard Kipling) | |
Musique | Bernard Lavilliers | |
Interprète | Bernard Lavilliers | |
Année | 1988 |
Sur la lancée de Voleur de feu, Lavilliers continue à parcourir le monde dans If..., son douzième album, mais son personnage d'aventurier tend à s'y muer en chroniqueur et les musiques tropicales à y céder le pas au rock. L'opus renoue aussi avec la mise en chanson de poème, un exercice que l'auteur n'avait plus pratiqué, et de façon inavouée, depuis Saignée (1983). Deux poèmes subissent même ici cette transformation, à commencer par If... de Rudyard Kipling, qui ouvre l'album et lui donne son nom, un des poèmes les plus emblématiques de l'époque patriarcale, dont Lavilliers respecte au mot près, sauf pour le titre, l'adaptation en français la plus célèbre, celle d'André Maurois, sur fond de piano et de cordes.
TU SERAS UN HOMME MON FILS
(Rudyard Kipling ; 1895 ; traduction d'André Maurois ; 1918)
Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaitre,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maitre,
Penser sans n’être qu’un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.