MARQUISE
Paroles | Pierre Corneille et Tristan Bernard | |
Musique | Georges Brassens | |
Interprète | Georges Brassens | |
Année | 1962 |
Le seul poème de Corneille que Brassens a mis en chanson. L'adaptation ne conserve que les trois premières strophes (qui sont systématiquement bissées) du texte d'origine et conclut en reprenant le quatrain ajouté presque trois siècles plus tard par Tristan Bernard (corrigeant au passage l'erreur que celui-ci avait commise en croyant que "Marquise" était un titre de noblesse, alors qu'il s'agit d'un prénom, celui de Mademoiselle Du Parc, comédienne dans la troupe de Molière à l'époque) dans une optique féminisante qui a de quoi surprendre de la part de Brassens : la femme objet du désir renvoie un poète aussi vieillissant que mufle à ses soupirs amoureux.
STANCES A MARQUISE
(Pierre Corneille ; 1658)
Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu’à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.
Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront :
Il saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m’a vu ce que vous êtes
Vous serez ce que je suis.
Cependant j’ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n’avoir pas trop d’alarmes
De ces ravages du temps.
Vous en avez qu’on adore ;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.
Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu’il me plaira de vous.
Chez cette race nouvelle
Où j’aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu’autant que je l’aurai dit.
Pensez-y, belle Marquise,
Quoiqu’un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu’on le courtise
Quand il est fait comme moi.
Quatrain ajouté par Tristan Bernard
(L'esprit de Tristan Bernard ; 1925)
Sans doute que je serai vieille
Dit la marquise, cependant
J’ai vingt-six ans mon vieux Corneille
Et je t’emmerde en attendant.