AU BOIS DE MON CŒUR

Paroles Georges Brassens
Musique Georges Brassens
Interprète Georges Brassens
Année 1956

Deuxième des trois chansons que Brassens a écrites pour Porte des Lilas, le seul film où il a joué au comédien, Au bois de mon cœur (un titre dans la mouvance de Auprès de mon arbre et de la future Grand chêne) est une ode à l'amitié (cf. Les copains d'abord), un sentiment que l'auteur sacralise par de discrètes références christiques aux Noces de Cana et à la Résurrection.

PORTE DES LILAS
(Georges Brassens ; Louis-Jean Calvet ; 1991 ; Editions Lieu Commun)

En 1957, surprise : le symbole de toutes les révoltes adolescentes, de tous les refus, est sur les écrans, Brassens fait du cinéma. Il s'agit de Porte des Lilas, un film de René Clair adapté d'un roman de Fallet, La Grande Ceinture. Georges y joue le rôle d'un artiste à qui son ami, le poivrot Juju (interprété par Pierre Brasseur) demande de cacher un bandit (Henri Vidal). Celui-ci va séduire la petite amie de l'artiste (Dany Carrel) et l'artiste se vengera en le tuant...

C'est Fallet qui avait décidé Brassens à faire du cinéma, alors que celui-ci, peu motivé et très pris par sa carrière, freinait des quatre fers. Mais l'ami René était insistant, et l'amitié est souvent plus forte que la raison. Très vite, pourtant, Brassens regrettera sa décision. Il lui faudra en effet pendant quatre mois, du début décembre 1956 à la fin mars 1957, tous les jours ou presque, se rendre aux studios de Boulogne, s'installer dans une loge et attendre que René Clair le convoque sur le plateau : lui qui avait commencé à prendre des habitudes de vedette ne supportait guère d'être traité comme un figurant, ne supportait pas d'avoir à ronger son frein plusieurs heures pour tourner trois minutes. Il s'ennuie dans sa loge, à attendre le bon vouloir du metteur en scène... Mais, surtout, il sera déçu par le travail de comédien qu'on lui fera faire. Il s'attendait à certaines latitudes, s'imaginait entrant dans la peau de son personnage et improvisant, jouant son rôle comme il le sentait, alors que le metteur en scène ne lui laissera aucune liberté, lui imposant ses gestes, ses déplacements, tout... Les rapports avec Pierre Brasseur seront la seule chose drôle du tournage. René Clair avait en effet décidé de lui interdire de boire, énorme prétention lorsqu'on sait le penchant prononcé qu'avait Brasseur pour la bouteille. Mais l'acteur, malgré sa grande gueule légendaire, n'osait pas tenir tête au metteur en scène de La Beauté du diable et de A nous la liberté. Aussi s'était-il résolu à cacher ses provisions, bouteilles de whisky, de vin, dans la loge de Brassens où il venait boire en douce, dès que René Clair avait le dos tourné. Or l'alcool rendait Brasseur agressif, et Georges regardait d'un œil inquiet ce monstre sacré avec qui les relations menaçaient sans cesse de tourner à l'aigre. Si les choses ne dépassèrent pas les limites de la bienséance aux studios, il en alla différemment un soir que l'acteur avait invité le chanteur à dîner chez lui. Brasseur proposa en effet à Georges, après un repas arrosé, de jouer. « De Jouer aux portraits », croit se souvenir Pierre Onteniente, qui était également du repas. Et voilà que Georges, pourtant peu doué pour ce type d'activités, gagne. Furieux, Brasseur le jette à la porte sans ménagement, hurlant qu'il n'aime pas les poètes, qu'il les déteste même, qu'il déteste tous les poètes, montrant du même coup que s'il savait jouer la comédie il était, par contre, bien mauvais joueur...

Si la prestation de Brassens dans Porte des Lilas n'est pas une révélation, s'il est à l'évidence plus fait pour la chanson que pour les écrans (il est, ici, sauvé par le fait qu'il joue au fond son propre rôle, mais jamais plus il ne tâtera du cinéma), le film nous vaudra cependant quelques chansons qui sont parmi ses meilleures. René Clair lui avait demandé d'écrire sur une série de thèmes : une chanson sur l'amitié, une chanson sur le vin, etc. Et le résultat s'appelle L'AmandierAu bois de mon cœur ou Le Vin : un bon cru. Mais, répétons-le, la prestation peu convaincante de l'acteur Brassens nous montre que, s'il est en train de peaufiner son personnage de scène, il n'est pas de ces touche-à-tout qui peuvent passer de la chanson au cinéma ou au théâtre avec un égal bonheur (du moins pour certains...). Il sera publiquement, et ne sera que, un homme de chanson.

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